DESIGN | CRITIQUE

Paris au vert

La nouvelle exposition des Ateliers de Paris nous invite à découvrir une palette de sensations et de créations associée au vert. Emeraude, prairie, kaki, absinthe ou aigue marine, la couleur nourrit les imaginaires et donne le ton.

Par quels procédés magiques accède-t-on au sens, à la musique et aux odeurs d’une couleur ? Pendant un mois, les Ateliers de Paris nous ouvrent les portes d’un joli rêve : celui d’une escale ludique et surprenante à bord du vert qui, par le biais des 17 créations exposées, dévoile une richesse symbolique et sensuelle.

Ce joli parcours initiatique témoigne de cette résurgence présente de croyances culturelles ancestrales. Le vert se comprend par son aspect évolutif et ambivalent, dans un équilibre précaire entre la nature luxuriante et la couleur d’un cadavre. L’exposition explore cette ambiguïté entre éveil et sommeil à travers un chemin implicite, où chaque étape évoque un moment de la journée. Á l’image du printemps, le premier arrêt ressemble à un matin. Les coquelicots en faïence engobée de Tülin Diker font échos aux herbes folles des paravents de Lison de Caunes et aux bouquets de la Maison Guillet. Foisonnante, la nature se fait vive et éclatante avec les pissenlits fluorescents en résine de Cécile Chareyron et le labyrinthe en mosaïque de Solène Léglise.

Mais déjà, cet épanouissement plein de débauche fait place à la mélancolie des fins d’après-midi. Fuyant la profusion, le calme s’installe, bercé par les roseaux peints de Marie Verlet-Nezri, et la douce lumière des lampes en bois imaginées par Roots. Apaisantes, ces objets possèdent les vertus régressives des siestes au bord de l’eau, rappelant par là même la symbolique thérapeutique du vert.

Le jour fait place au soir, dans une dernière étape aux airs de renoncement. Á travers les mailles ajourées, le coton déchiré et élimé des vêtements de Phet Cheng Suor, se dessine l’aspect éphémère de la nature. Fragile, passagère, elle ressemble à la rosée de perles de verre déposée sur la toile conçue par Kim Duong : prête à disparaître à tout moment. Les galets en crochet de Sophie Dalla Rosa proposent à ce cycle une chute drôle et poétique. Placées sous des cloches de verres, ces pierres en maille évoquent une végétation maîtrisée, prisonnière et victime de l’action anthropique. Les cages transparentes offrent une préfiguration ludique, teintée d’écologie, à la nuit qui attend les plantes dans un futur proche.

Cette même nature se colore d’un autre sens, au contact des créations de Camille Lescure, Anne Yvonne Bureau et Cécile Boccara. La nature-mère se fait femme le temps de se parer des bijoux et des corsages imaginés par ces trois créatrices à partir d’éléments végétaux. Crocodiles en bois vert, plumes de paons et feuille de lauriers se mêlent dans des parures légères à l’aspect féeriques. Ainsi orné, le vert évoque les contes de l’enfance, les courbes émeraude de René Lalique, les publicités longilignes de Mücha.

Dans cet uni(vert) à part, les matières triomphent, portées par une poésie des sens qui met les yeux et les oreilles à contribution. On touche du regard la moelle de coton, les plumes de faisans, les graines de cédrèles, tandis que les pétales d’ailantes, le fil de verre et les morceaux d’écorces de mûriers se laissent savourer du bout des doigts. Les sons enchantent par leurs délicieux chuchotements. Réunis dans les tissages de Marie-Noëlle Fontan, les lettres se mêlent aux essences végétales, dans un subtil jeu d’alternance entre trame littéraire et chaîne des sous-bois. Dans ce dialogue sensuel, les mots ont la main verte et cultivent avec humour les jeux de langages. Les Petits Choux (Claire de Lavallée) et Les Petits Riens (Sophie Dalla Rosa)  répondent à L’Arbre timide (Fabienne Picaud) et aux Habits de passage (Phet Cheng Suor). Poétique, le vert se fait métonymie et allégorie à travers un (vert)be qui nous en fait voir des vertes et des pas mûres. Á l’image de la mignonne de Ronsard, on se dépêche d’en profiter avant que la couleur, telle la rose, ne se fane au contact de l’âge… ou de l’hiver.

— Phet Cheng Suor, Habit de passage, 2008. Encollage et entrelacements de morceaux d’écorces de mûrier teintées sur une armature de papier et de fil de fer.
— Roots, lampe. Arbre fixé dans un socle en ciment, abat-jour recouvert de tissu, 2008.
— Camille Lescure, Collier, collection Les jardins de Rouffiac, 2008.— Cécile Boccara, Tilleul, 2008. Collier en tissu laine et soie, fil de soie perles en mousseline de soie.
— Sophie Dalla Rosa, Curiosités, 2008. Installations crochet et guipure, caillou et verre.

— Tülin Diker, Coquelicots et petits jardins, 2008. Réalisation par modelage, plaques et tournage. Faïence, terre blanche et noire.

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