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Paris 2004

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

En photographe de la mémoire, Eric Aupol plonge en surface et glisse en profondeur dans le quartier des Halles de Paris, en le transfigurant : le passé est en surface et le présent est enfoui. Pour nous guider à travers ces combles et ces cryptes, un fin fil rouge à la craie est tracé à l’intérieur de ses compositions soignées.

Eric Aupol expose les photos qu’il a prises dans le quartier des Halles et de Beaubourg l’année dernière. Elles pointent deux mondes distincts pris dans une topographie dialogique.
Le trou des Halles a laissé au bord de son épicentre des vestiges baroques comme l’église Saint-Eustache. Quelques cloîtres sont encore visibles autour de cette balafre qui a soufflé les pavillons du ventre de Paris. Ces joyaux offrent des trésors encore visibles. Photographe de la mémoire, Eric Aupol s’est empressé d’aller photographier ces ex-voto, ainsi que les entrailles de ce ventre agonisant.

La série « Paris 2004 » s’étale comme deux pendants en peinture. Tandis que le passé est en surface, le présent, lui, est visible sous cette couche. Alors qu’à la surface les églises ouvrent leurs portes et laissent admirer leur statuaire et leurs peintures religieuses, les galeries et les couloirs du Forum des Halles offrent des architectures plus imperméables au temps. Les nefs sont remplacées par des couloirs de parpaings et les piliers sont des chemins de câbles posés horizontalement.

Le basculement entre la surface et la profondeur est l’enjeu de cette série. Le passé et le présent se superposent dans une histoire commune mais pas équivalente. L’appareil photo est capable de tous les basculements, son cœur est un miroir qui permet toutes les translations possibles. Dans ce cadastre en trois dimensions, tout est inversé, la crypte que l’on trouve sous les fondations est un tombeau du présent alors qu’au niveau de la rue les vestiges du passé sont posés à même la surface.

La confrontation entre les deux moments se joue à partir de la lumière également. Même diffuse, celle des chapelles et des églises laisse filtrer la clarté du jour. A l’inverse, les couloirs souterrains sont éclairés artificiellement. Encore une fois le dialogue entre le passé et le présent se fait à partir d’un vocabulaire formel très simple qui oppose le haut et le bas, la lumière naturelle à la lumière électrique.

La nouveauté dans cette série vient de l’utilisation de la couleur. Les précédentes photographies d’Aupol sur les peintures anciennes nous avaient habitués à une délicatesse des tons et à des noirs soyeux. Les séries étaient léchées et les tirages délicats. Ici le soin apporté à la lumière se transforme en attention portée à la couleur rouge. L’exemple le plus éclatant est ce rideau vermillon lumineux. Le drapé vient rappeler les recherches formelles de l’auteur, mais ce rouge si intense est une première. D’habitude les couleurs neutres se disputent un camaïeu étendu mais répétitif.

Cette couleur semble ici être le fil à suivre dans les dédales. L’ouverture d’une porte laisse percevoir le cordon rouge d’une marque de maçon, tandis qu’un chemin de câbles en terre cuite amène l’œil à l’extrémité d’un couloir où la seule issue est un mur orangé.
Alors que dans les travaux religieux photographiés, la lumière vient lécher les arêtes des sculptures, ici elle est remplacée par une ligne de craie rouge, par un tuyau à la couleur d’argile. La couleur ici est une rampe que l’on peut emprunter pour descendre dans les abysses des profondeurs de notre temps.

Photographe de l’entre deux, Eric Aupol aime à pointer des ellipses. Le dialogue qu’il instaure entre le passé et le présent se fait à partir d’un cadre défini par le miroir de son appareil photo. Capable de toutes les inversions temporelles son œuvre s’attache à radioscoper des plaques de mémoires. Les lieux sur lesquels il s’attarde sont les têtes de pont d’une ellipse temporelle.

Eric Aupol :
— Paris-Bercy, 2004. C-print. 80 x 100 cm.
— Sans titre (Bercy ), 2001. C-print. 85 x 100 cm.
— Paris Les Halles #1, 2004. C-print 80 x 80 cm.
— Paris Les Halles #2, 2004. C-print. 80 x 80 cm.
— Paris Les Halles #4, 2004. C-print. 120 x 160 cm.
— Paris Les Halles #9, 2004. C-print. 60 x 80 cm.
— Paris Les Halles #10, 2004. C-print. 80 x 80 cm.
— Paris Les Halles #11, 2004. C-print. 100 x 100 cm.

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