PHOTO | CRITIQUE

Pâques

17 Fév - 15 Mar 2007
Vernissage le 17 Fév 2007
PNicolas Bauche
@12 Jan 2008

Géophotographie, redécouverte d’un site archi vu et connu…, Pâques est tout cela à la fois, renouant ainsi avec la tradition de l’explorateur-photographe. Mais l’artiste préfère le sentiment et l’absence à la science des images. Brillant et poétique.

C’est un bout de terre perdu dans le Pacifique sud, une île décharnée qui enfante, dans les flancs du volcan Rano Raraku, 397 statues qui fascinent le reste du monde. Martin d’Orgeval est allé photographier l’île de Pâques sous toutes les coutures. Ses monolithes aux yeux sortant de leurs orbites, les flots de l’océan se brisant sur les roches… Le tout en noir et blanc comme pour garder intact le caractère crayeux, presque désespéré, de cet îlot abandonné par son histoire.

Comment les fameuses statues de l’île de Pâques ont-elles été édifiées ? Quelle était leur signification ? etc. A chaque question, autant d’hypothèses, parfois fumeuses.

Reste la géographie étrange de ce musée à ciel ouvert, où les gigantesques têtes dévisagent l’objectif d’Orgeval. Les visages géométriques au velouté de pierre, le blanc des yeux, livide et l’iris d’un noir mauvais semblent trahir l’impassibilité des géants pétrifiés : la colère contre de futures profanations hérétiques ?

C’est pourtant avec respect que Martin d’Orgeval ballade son regard sur l’un des sites les plus photographiés au monde. Mais, pour paraphraser l’autre, ils n’ont rien vu de l’île de Pâques. Le photographe cadre le faciès des statues, compose avec l’herbe raréfiée et quelques morceaux de bois une nature morte. La faune et la flore, comme un tissus élimé jusqu’à la corde, sont le socle d’un Arte povera.

Eau, pierre, ciel, il n’y a pas âme qui vive dans ces Pâques minérales. Mais chaque cliché est habité par une présence secrète. Chaque photo appartient à un ensemble plus large, huit, neuf voire davantage d’images composant un paysage quadrillé. Ces parties d’un tout fragmentaire laissent deviner les blessures de cette île, de son peuple meurtri. Une sismologie intime. Celle de Martin d’Orgeval?

Martin d’Orgeval
— Pâques, 2005. Photographies.

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