ART | EXPO

Pan

09 Mar - 11 Mai 2013
Vernissage le 09 Mar 2013

Guillaume Lebelle explore sous un mode expérimental plusieurs directions artistiques, puisant son inspiration aussi bien dans la musique que dans la littérature. Il présente ici deux sculptures et une série de quatre photographies prises dans des falaises en Normandie, aux côtés de grandes toiles et de collages.

Guillaume Lebelle
Pan

Il y a un parallèle possible entre la musique et la pratique d’atelier de Guillaume Lebelle. S’il s’intéresse essentiellement à la musique écrite, classique et contemporaine, il ne fait pas appel à la notation pour jouer mais à sa mémoire accidentelle. Derrière un esprit classique se trouve peut-être un improvisateur. Et il n’y a donc pas de hasard s’il invite
Joëlle Léandre à jouer dans l’une de ses expositions: formée à l’interprétation, à l’exécution virtuose, elle s’est toujours aventurée dans les terrains de l’expérimentation sans boussole.

Parfois l’espace pour l’expérimentation du monde le plus juste et intense est l’atelier. Au-delà de la mythologie construite sur les méandres du processus de création, l’atelier reste l’endroit même de la jonction entre réflexion et pratique, laboratoire et jeu — il abolit les frontières trop linéaires entre plaisir pulsionnel et recul critique. Car, paradoxalement, il ne permet pas trop de recul. L’atelier ne cherche pas à regarder la société ou l’art d’un point de vue distancé — cette fameuse tour d’ivoire —, il oblige plutôt à plonger dans des intensités plus fébriles, nerveuses et contradictoires.

Guillaume Lebelle fait entrer le monde dans sa peinture par des chemins plus troubles, plus indicibles, dont il ne cherche pas à maîtriser les effets. Peut-être aime-t-il se perdre à lire dans les librairies au gré de hasards choisis à cause de cela? Nonobstant une culture littéraire solide, qui dessine une cartographie incluant aussi bien Nicolas Gogol, Christophe Tarkos et Andrea Zanzotto, ici évoqués dans certains titres des tableaux, il aime à se laisser saisir par la perplexité face à une langue qu’il ne connaît pas, à l’image des calligraphies chinoises. Et quelle meilleure définition de l’abstraction que cette perplexité-là. Le tableau comme caisse de résonance où se donnent rendez-vous des sources qui n’étaient pas faites pour se rencontrer (comme certaines sonates de Haydn au montage imprévisible).

Les qualités abstraites de la musique ont souvent été jalousées par les écrivains, les cinéastes et les artistes — de Goethe à Hans Richter ou Paul Klee — mais, là encore, Guillaume Lebelle cherche moins une supposée libération des sens que donner une qualité charnelle à sa peinture. Pour cela il inscrit différentes vitesses du geste sur des toiles qu’il travaille d’abord sans châssis, de façon à pouvoir les tourner, sans hiérarchie entre le haut et le bas, la gauche et la droite. Et pendant ce processus il ne cherche pas à effacer les taches, les coulures, la rage et le désordre d’un doute, d’un tremblement. La peinture et le dessin se confondent, il n’y a pas de solutions définitives car il n’y a pas de solutions en peinture, elle s’affirme ici comme une plaque sensible pour des états forcément transitoires.

Sur le vif.
Dans ce jeu d’équilibres, les vides, ou plutôt les silences, participent de la composition d’une sonate faite de signes et d’indices. Les espacements laissent ainsi visible la toile brute qui cherche à «attraper de l’autour», selon ses mots: qu’il s’agisse de coupures de journaux inscrivant sa pratique dans le concret d’un temps ou de l’encre typographique, rappelant d’ailleurs l’usage antérieur de son atelier, une imprimerie.

Une série de photographies récentes peut encore plus troubler ce que nous prenons pour acquis dans le travail de Guillaume Lebelle. Pour les réaliser, il est allé à l’extrême opposé de son atelier de Paris, jusque dans une plage des falaises de Normandie. A cet endroit il a joué de façon presque enfantine pour composer une sculpture joueuse, dansante, se détachant d’une roche. Les photos sont des points de vue différents de la même sculpture: on tourne autour d’elles. De ce côté-là aussi il y a à voir avec la chorégraphie.

Il évoque son intérêt pour les dessins de la chorégraphe Trisha Brown. Dans ce pas de danse, cet écart par rapport à sa pratique habituelle, il avouerait presque une passion pour l’agilité non seulement du geste mais du corps, du volume. Une ouverture vers d’autres falaises, des défis qu’il aura toujours envie de se proposer à lui-même.

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