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Pain Couture

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Ne renonçant à aucun plaisir, Jean-Paul Gaultier présente une collection pâtissière. Ses bustiers et ses robes sont réalisés en pain et en brioche. Il transforme Cartier en boulangerie et invite les visiteurs à manger ses créations.

Jean-Paul Gaultier transforme la Fondation Cartier en boulangerie, il n’a pas pour autant renoncé à la mode, « Pain Couture by Jean Paul Gaultier » est une exposition artistique en forme de défilé. Les robes présentées sont en crêpes, en langue de chat, en petit beurre, en brioche et en pain. La première sensation n’est pas visuelle mais olfactive, toutes ces odeurs se mêlent pour donner une atmosphère gourmande.

La haute couture a l’habitude de présenter des spectacles à ses clientes fortunées, les défilés sont scénographiés à tous les niveaux, la lumière est soignée, la musique est extrêmement importante, les designers sonores sont les chefs d’orchestre de cette mise en son, le décor est aussi primordial que celui d’un tableau d’opéra. L’architecture la plus insolite est sollicitée pour accueillir les frasques des collections : Prada s’invite au siège du Parti communiste, les couvents, les hôtels particuliers, les musées servent d’écrin aux précieux taffetas portés par les top models longilignes.

Il n’est donc pas incongru de voir le Tintin de la mode investir un espace consacré à l’art contemporain, sachant qu’il y a quelques années, Issey Miyake a superbement réussi son pari en suspendant ses robes-accordéons. L’année dernière Londres faisait entrer au musée les robes du couturier français, malgré les honneurs et la reconnaissance de son travail, le jeune homme de cinquante ans distille dans ses créations sa bonne humeur et son énergie juvénile.

L’exposition est joyeuse et ludique, l’enfance transparaît dans toutes les œuvres exposées. Le rêve se matérialise dans les vêtements les plus connus comme le bustier, les seins côniques, ou le motif rayé du pull marin, il prend la forme d’une brioche et lui emprunte son odeur.
Quand on est enfant lire Charlie et la chocolaterie de Roald Dahl est un délice, le paradis à cet âge se confond avec les plaisirs sucrés. Charlie entre dans cet Éden peuplé de bonbons, de sucettes, de sucreries et de chocolats grâce à un ticket qu’il trouve miraculeusement, pour « Pain Couture » ce ticket a les traits d’un pain au sésame.

La tenue des hôtesses a été redessinée en forme de blouse blanche surmontée d’une gavroche. La visite se transforme en emplette, on peut jouer à la marchande et acheter pour de vrai les pains et les viennoiseries dessinés par le couturier et fabriqués par les meilleurs ouvriers de France.

Il est intéressant de noter que Pierre Hermé, le plus célèbre pâtissier hexagonal, propose ses desserts comme des collections de haute couture, il est intéressant de noter que les chefs étoilés font de leurs assiettes de véritables tableaux, elles ressemblent à des Pollock, la sauce est projetée sur le flanc des faïences. Les arts de la mode et de la bouche se croisent de plus en plus, ils s’empruntent leurs techniques et leurs vocabulaires. L’art contemporain n’échappe pas à ce courant, il arrive à Buren de concevoir des gilets pour les gardiens de musée, il arrive même que des artistes fassent la cuisine lors de vernissages.

Les commensaux de l’art contemporain sont invités à prendre place pour déguster les plats, le service est impeccable et le travail soigné. Jean-Paul Gaultier est un créateur autant qu’une marque, alors qu’Ines de La Fressange tente de récupérer son nom qu’elle a vendu et que Picasso est une voiture, le couturier s’invite sans complexe dans le monde de l’art, il le fait avec bonhomie et humour. Son travail reste très reconnaissable, les icônes qu’il a imaginées peuvent se décliner dans des robes, sur des bouteilles de parfum ou dans la farine et la levure.

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