ART | CRITIQUE

Oeuvres récentes

PJuliette DelaporteOeuvres récentes
@12 Jan 2008

Les tableaux de Stefan Sehler ne posent pas seulement l’énigme de leur réalisation technique. Ces acryliques émaillées à l’envers de plaques de plexiglas explorent les limites de la peinture sous de nombreux aspects.

Est-ce une photographie sous verre, une gigantesque gravure, un dessin à l’encre de chine ? L’exploration végétale de l’artiste laisse perplexe quant aux techniques utilisées.
Ses perceptions mises à mal, le spectateur mène l’enquête sur ce drôle d’objet figurant et défigurant des motifs naturels, principalement des feuillages et des branchages.
Un véritable souci d’ouverture à l’ensemble des pratiques artistiques travaille ces peintures. Mais l’originalité des pièces réside dans la manière même de traiter du décloisonnement des médias: il ne s’agit pas de livrer une démonstration à la mode en prônant une mixité de principe. Au contraire, Stefan Sehler renouvelle avec authenticité l’interrogation sur le déplacement des frontières des différents champs de l’art contemporain.

L’artiste utilise la technique de la peinture à l’envers d’une plaque de plexiglas pour brouiller les repères.
C’est d’abord la gamme des dégradés de blancs, de noirs, de marrons et de bleus qui jettent le trouble. Leurs effets sont recherchés car ils sont l’apanage du travail de la lumière, du contraste photographique, du rendu sépia, mais également du dessin pur délesté des préoccupations de la couleur.
Ce n’est pas grâce à l’emploi de diverses techniques que l’artiste pose la question des frontières des pratiques artistiques. À l’opposé, une technique unique, celle de l’acrylique sur plexiglas, suscite une réception plurielle entre peinture, photographie et dessin.

Grâce au travail de la lumière, l’œuvre de Stefan Sehler devient une œuvre atmosphérique. Cette capacité à rendre le temps, l’ombre et la lumière, explique l’indétermination d’un premier regard qui cherche entre photographie et peinture.
L’ambiguïté persiste lorsque le spectateur saisit comment le fond se détache des motifs du premier plan. Ceux-ci, très sombres, semblent être l’effet photographique d’un contre-jour: le contraste est saisissant entre l’aspect lumineux du ciel et les branchages noirs. La technique du rayogramme de Man Ray peut également être évoquée.
Mais quelle prise de vue prétendant à la réalité de ses référents pourrait rendre un ciel illuminé par plusieurs soleils ? Car il semble que ce ciel d’arrière-plan présente de multiples trouées solaires. Plusieurs astres ? Non, mais un travail graphique subtil. Un ciel extraordinaire se défigure au fur et à mesure de la perception de tâches abstraites. Des ronds noirs, blancs, vaporeux annulent progressivement l’idée de figuration.

La figuration et l’abstraction se mêlent aussi au premier plan. Les motifs végétaux semblent surgir du tableau. Dans le même temps, l’amas de branches, de feuilles, d’aiguilles tendent à la défiguration: le cheminement horizontal de l’œil, puis une perception d’ensemble du premier plan mettent côte à côte la figuration végétale et un ensemble de tâches de couleur qui s’amalgament. D’un côté, le ciselé extrême des aiguilles de sapin semble être le produit d’un collage tant elles sont dessinées avec méticulosité. De l’autre, les ensembles de tâches colorées témoignent du geste libre et enlevé du peintre. Stefan Sehler réussit l’exploit de faire ou non le « point » sur un même plan: le net et le flou parcourent ensemble ce premier plan pour perturber le spectateur toujours pris entre photographie et peinture.

Car la question du médium photographique revient inlassablement et sous différents aspects dans l’œuvre de Stefan Sehler. Mais c’est la question du point de vue et de l’échelle qui la soulève avec le plus de force: les panneaux-plexiglas de Stefan Sehler rendent vraisemblable une invraisemblable prise de vue. Quel photographe voltigeur pourrait saisir ce chaos végétal et aérien: l’impossible d’un point de vue physique côtoie le vraisemblable d’un microcosme extraordinaire. L’œil humain ne peut percevoir ce territoire inaccessible fait d’innombrables détails et de tâches de couleurs qui appellent la sensation.

Le médium cinématographique n’a pas été évoqué. Pourtant il est aussi présent: le montage des quatre panneaux construisent le mouvement d’une immersion dans ce microcosme végétal. L’œuvre peinte de Stefan Sehler dévoile la force prégnante du dessin, de la photographie et du cinéma.

Stefan Sehler
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 180 x 120 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 125 x 125 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 125 x 125 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 125 x 125 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 180 x 240 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 180 x 240 cm.
— Sans titre, 2006. Acrylique et émail au revers de Plexi Glass. 180 x 240 cm.

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