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Œuvres récentes

PAll Star
@12 Jan 2008

Seize œuvres récentes réalisées à partir de photographies numériques sont présentées en diptyques, triptyques, ou sous la forme de « découpes ». Il s’en dégage un amour fort du réel, des lumières, de la matière, une atmosphère méditative et poétique.

 Seize œuvres récentes réalisées à partir de photographies numériques travaillées par ordinateur sont présentées en diptyques, triptyques ou, comme le dit Jean-Louis Garnell, sous la forme de « découpes ».
Le matériau numérique intervient, à partir 2001, après quinze années de pratique très rigoureuse de photographie à la chambre. Les images se font alors plus fluides, plus intuitives, plus expérimentales. Le numérique qui s’accorde, plus encore que la photographie, avec l’idée de fragmentation, favorise l’apparition des premières découpes et d’une esthétique différente. Cependant demeurent l’exactitude, la finesse et la précision.

Les Découpes sont constituées de plusieurs vues numériques assemblées pour ne former qu’une seule image. Les rectangles imbriqués se développent, l’image sort de son cadre-format rectangulaire pour occuper l’espace du mur. Ce rapport avec l’espace et le spectateur établit un lien à la sculpture. La confrontation à la surface rectangulaire du tableau-mur évoque les Contre-reliefs de Vladimir Tatlin (1914), ou au Relief au marteau (1915) de Jean Pougny.

Découpe # 15 se composée de cinq clichés. Cinq rectangles viennent se fondre, sortes de calques virtuels imbriqués les uns dans les autres. En bas à gauche, l’artiste est allongé, rêveur sur un lit. Un peu plus haut, une nature morte sur fond rouge bordeaux. Encore au-dessus un arbre domine. Enfin, la base du tronc blanc moucheté d’un bouleau — lien entre ciel et terre, légèreté et pesanteur, la pensée consciente et inconsciente ?

La construction cyclique est récurrente. On la retrouvera dans Diptyque # 1. Comme la question du temps qui est présente aussi bien dans les images que dans le processus de réalisation. Les clichés rassemblés dans la même œuvre, qui sont souvent pris à des périodes différentes, conjuguent de temps.

Découpe # 15 est une sorte de « matin d’artiste » de « rêverie », un jour où la maison est vide, où rien ne semble se passer. Comme la plupart des œuvres, celle-ci a été conçue dans un temps assez court et toujours cohérent : un séjour, une journée passée avec quelqu’un. Comme les mots d’un poème, les clichés visent à restituer une sensation, une émotion.
Les découpes se situent dans une problématique du faire proche de l’expérience du dessin : prendre une feuille, des crayons et faire, chercher, construire.

Les NBC sont des triptyques réalisés à partir de clichés pris dans un jardin, soit en couleur, soit en noir et blanc. Il s’en dégage une sensation particulière à la fois de frais et de malade, de tendresse et de souffrance, et, comme toujours chez Garnell, un amour fort du réel, des lumières, de la matière.

La Suite n° 1 — Italie assemble six images en croix qui dominent sept images de petite taille. L’image la plus grande est un paysage, un lieu vécu, qui, pixellisé par l’agrandissement, semble un peu ailleurs. Contrairement à la photographie argentique dans laquelle la lumière se grave, les séries construisent et recomposent le temps.
La branche droite de la croix abrite les visages gracieux des deux enfants de l’artiste. Le plus âgé est envahi par une forte lumière, comme celle des couchers de soleil. Une sorte de proximité et de complicité semble s’établir avec son père. Alors que le plus jeune est plus distrait, plus attaché à jouer qu’à prendre part à la situation.

Comme toujours chez Jean-Louis Garnell, les pièces sont pensées dans leurs moindres détails, jusque dans les jeux de valeurs et de tonalités. Son portrait occupe une position centrale, comme si l’ensemble n’était finalement qu’un autoportrait. La vie se glisse dans les interstices, dans l’espace blanc du mur, entre les photographies, dans le non-dit, le non-montré. Son strabisme, qu’il assume non sans un certain humour, symbolise cette diffraction même de l’être et de la vie, toujours là et ailleurs à la fois.
On sent toutefois s’opérer un basculement de l’espace-vie à l’espace-œuvre, renforcé par le numérique qui accentue le caractère méditatif, la distance avec les corps, les fruits, le vin et les fleurs.

Dans le Diptyque à la coloquinte la lumière a mangé la chose et l’a transformée en source de lumière, en soleil. Il se produit un étrange renversement où la source reçoit sa propre lumière. Dans la césure qui sépare et unit les deux images, un rythme se crée qui évoque le « significatif silence » dont parlait Mallarmé. Les intervalles disent le temps qui sépara les deux images, mais aussi le manque dans un monde mouvant. Le Diptyque # 1 s’inscrit dans une vision circulaire. On sort de l’image, du plan, pour aller dans l’espace. Sans être véritablement de la sculpture, cette façon d’interroger l’espace est une des possibilités de la photographie qui invite le spectateur rentrer dans l’œuvre. Comme par interactivité.

Une petite nature morte entourée par deux portraits exprime l’impossibilité pour le spectateur d’avoir un vision d’ensemble. Le lien, la générosité, l’amour de la vie constituent la dimension sociale et poétique de l’œuvre de Jean-Louis Garnell.

— NBC # 3, 2002. Tirage lambda contrecollé. 62 x 46,50 cm.
— NBC # 2, 2002. Tirage lambda contrecollé. 62 x 46,50 cm.
— NBC # 4, 2002. Tirage lambda contrecollé. 46,50 x 62 cm.
— Découpe # 20, 2002. Tirage lambda contrecollé. 125 x 172,50 cm.
— Suite 1 — Italie, 2002. 14 éléments : tirages lambda contrecollés. 250 x 600 cm environ.
— Sans titre, 2003. 2 éléments : tirages lambda contrecollés. (2 x) 46,50 x 62 cm.
— NBC # 1, 2002. Tirage lambda contrecollé. 46,50 x 62 cm.
— NBC # 5, 2002. Tirage lambda contrecollé. 46,50 x 62 cm.
— NBC # 3, 2002. Tirage lambda contrecollé. 46,50 x 62 cm.
— Découpe # 15, 2002. Tirage lambda contrecollé. 84 x 265 cm.
— Diptyque, 2002. Tirage lambda contrecollé. 50 x 110 cm.
— Diptyque 1, 2003. Tirage lambda contrecollé. 62,50 x 110 cm.

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