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Oasis : LucoNoctambule

PCéline Piettre
@02 Fév 2009

Invité chez Emmanuel Perrotin, José Lévy recrée un jardin nocturne, une nature en ombres chinoises dominée par des luminaires au profil d’arbres. Son design fictionnel, entre illusionnisme et économie de moyen, déroute et amuse à la fois.   

Ici, tous les meubles portent des costumes sombres, comme les musiciens d’un orchestre classique, mélange d’élégance collégiale et de solennité. Les lignes sont sobres, graphiques, stylisées ; les volumes lisibles et harmonieux… Et pourtant, ce modernisme structurel, servi par un noir des plus chics, imite la nature à la manière d’un décor de théâtre — impression de carton pâte renforcée par la légèreté du mobilier en résine laquée. Les fauteuils sont habillés d’un lit de feuilles, les luminaires déploient leur ramure ; au centre, un plateau d’échec en marbre abrite une faune chevaleresque, rongeurs immortalisés par une taxidermie précieuse, rois et reines ornés de cuivre.

José Lévy crée un véritable univers bucolique, teinté d’une ironique noirceur. Sa source d’inspiration : le jardin du Luxembourg qui, la nuit, transforme les arbres en ombre. Comme eux, les meubles sont réduits à l’état de silhouette, appréhendés seulement dans leurs contours, ce qui donne à l’ensemble cette sobriété formelle (et le préserve d’une connotation kitsch). Contre le mur, le fil reliant l’ampoule à sa source d’alimentation dessine un M et fait, seul, office de corps et de décor au luminaire, exemplaire de ce refus du superflu. La couleur, neutralisée, laisse toute la place à la lumière — clarté lunaire reflétée dans le miroir de The Chinese Lantern Mirror ou absorbée, au contraire, par la flaque de Shadow in Water.

Le jardin, entre nature et culture, est un élément constitutif de notre urbanité. Rien d’étonnant à ce que le designer s’en empare, lui dont la ville reste un thème de prédilection — pour preuve le tapis exposé actuellement à la galerie Tools, scandé selon une rythmique toute haussmanienne. Ainsi détourné, introduit dans le milieu domestique, notre parc familier se pare d’étrangeté et révèle son ambivalence première, sa dimension artificielle. Encore une fois, José Lévy fait preuve d’une liberté rare, d’une théâtralité à contre-courant, qui a tout le loisir de se révéler en galerie, dans un contexte d’éditions limitées. En ce sens, le designer supplante le styliste, dont on retrouve pourtant la griffe dans les effets de textures — douceur du feutre, contraste entre la fourrure des souris et la brillance du cuivre dans le jeu d’échec — et cette élégance, toujours de mise.
  

José Levy
— Le Miroir au lampion, 2009. Résine laquée, miroir, verre. 320 x 80 cm (diamètre).
— L’Arbre au mikado, 2009. Résine laquée, ampoules à incandescence, tubes de métal laqué. 400 x 80 cm (diamètre).
— Echecs et mat au Luco, 2009. Marbre rose et noir, métal, feutre, souris taxidermisées rebrodées, pièces d’orfèvrerie en cuivre verni.  74 x 74 x 72 cm.
— L’ombre dans l’eau, 2009. Résine laquée, métal laqué, ampoule à incandescence, plexiglas. 260 x 80 cm (diamètre).


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