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Ô Senseï…/Stances II

Communiqué de presse
Catherine Diverrès
Ô Senseï…/ Stance II

En juin 1981, nous découvrons Kazuo Ohno à Paris dans une représentation d’Argentina. Octobre 1982, mars 1983: rencontre et travail avec Kazuo Ohno à Kamihoshikawa. Création d’Instances au Japon avec Bernard Montet.
Trente ans ont passé.
Rendre hommage à Kazuo Ohno serait possible mais on ne peut en aucune façon tenter de revisiter le chemin que lui-même a fait concernant La Argentina.
Quoique ?… ce pourrait être une tentation, une peu folle ! L’art d’Ohno est tellement singulier, que dans le langage du Butô, il est butô lui-même, manière de trait d’union entre le monde des morts et le monde des vivants. Donc, raisonnablement il s’agira d’autre chose, mais… s’en approchant. (…)
[Il] n’y a pas de Japon vécu pour moi sans la présence d’Ohno. Et ce fut une révolution profonde, radicale, de tout mon être. De tout langage et vocabulaire chorégraphique accumulés pendant des années d’apprentissage, j’ai fait table rase.

Arrivée danseuse au Japon, j’y suis devenue chorégraphe. Cependant Kazuo Ohno était un Danseur… Après avoir été pendant des années danseuse et chorégraphe, puis uniquement chorégraphe, voici qu’avec ce projet, la question de l’acte de danser se repose à moi. Mon dernier solo, Stances II, date de 1997!
Il serait possible de «conceptualiser» ce projet. Je pense au contraire que je dois travailler sur la matière même non seulement de ma propre mémoire du Japon mais surtout de Kazuo Ohno, car, la mémoire et la prégnance, la conscience des morts sont la matière même où puisent et se creusent l’art d’Ohno et la pensée japonaise dans son ensemble… (c’est court de le dire comme cela). Il faudra que je remonte le chemin inverse de celui qui m’occupe en tant que chorégraphe, pour reprendre, revisiter ce dont j’ai appris à me déprendre ! C’est-à-dire le cheminement tout particulier de ma compréhension d’alors: du «mood» de la pensée, de la danse d’Ohno, et aussi de mon attirance fulgurante envers le théâtre Nô. Cette forme savante, transmise depuis des siècles est pourtant en contradiction avec l’art du Butô alors que le Shintoïsme et le désir de faire revivre ou d’apaiser les morts en est le soubassement profond, le socle commun ; que tout danseur de Butô réfuterait cependant. Ambigüité: la personne d’Ohno est tellement riche de folies, de cabotinage, et de transformations, que je me vois tentée par jeu, de risquer cela, jusqu’à frôler la parodie.
Aussi «compassionnelle» que soit la pensée d’Ohno, il n’en reste pas moins que Hijikata et lui, étaient des surréalistes avertis, des baroques effrénés, des romantiques décadents… mais surtout des poètes subversifs qui jetaient leurs corps dans la bataille contre le conformisme nippon, l’art américain et l’invasion d’un nouveau mode de vie. (…)
C’est donc par soustraction qu’il faut comprendre le geste que je mets en marche par la réminiscence, telle, peut-être, la «madeleine» de Proust. Nous irons pour la première fois dans une forme discontinue, c’est-à-dire qui se permet comme le faisait Ohno de changer de costume, de personnage, de musique. La transformation est un thème fondamental du Butô, pour les arts et la mythologie asiatique, comme dans toutes mythologies, mais le Butô l’actualise. (…) J’essaierai de me surprendre en trouvant le secret des métamorphoses d’Ohno : de l’angélisme au grotesque, (tâche quasi impossible) pour que «quelque chose» en moi danse, et c’est ce quelque chose qu’il faudrait essayer de rendre non pas visible mais palpable.
Catherine Diverrès, décembre 2010

Chorégraphie et interprétation: Catherine Diverrès
Collaboration artistique et scénique: Laurent Peduzzi
Lumières: Marie-Christine Soma
Costumes: Cidalia da Costa
Musiques: Keiji Haino, Seijiro Murayama, Frédéric Chopin, Ingrid
Caven, J.S. Bach
Durée : 34 minutes

Stance II, le dernier solo de Catherine Diverrès, a été créé en 1997 sur La Terra di Lavoro, texte écrit et dit par Pier Paolo Pasolini. Après l’avoir transmis une première fois en 2001, elle le transmet de nouveau cette année à Carole Gomes, interprète de presque toutes ses pièces depuis 1996.
C’est donc une danseuse seule, pieds nus et vêtue de noir, qui investit le plateau alors que la voix de Pasolini égrène son texte et que le violoncelle joue et gronde. L’espace s’ouvre, découpé par les lumières et les ombres forgées par Marie-Christine Soma. Et les mouvements se forment, larges, sculpturaux, mêlant expressionnisme et abstraction. «Stance», étymologiquement, désigne une forme poétique. Et c’est bien à cela qu’invite le solo imaginé par Catherine Diverrès. Un voyage qui possède l’évidence de la grâce, du glissé des pas sur le plateau, de l’ondoiement des bras, du raffinement des gestes. Un voyage intérieur qui inclut l’espace mental de celui qui regarde, qui joue autant du plein que du vide: «stance» vient aussi de l’italien «stanza», qui signifie «demeure» parce qu’il faut qu’il y ait un sens complet et un repos à la fin de chaque stance. Présence sombre dans son apparence, et lumineuse dans son mouvement, Carole Gomes invite ainsi à une cérémonie mystérieuse, qui en appelle autant aux forces de vie qu’aux gouffres qui menacent, habitée par une profonde intériorité. La danse se déploie, dépouillée, à l’ombre du soleil noir de la mélancolie.
Laure Dautzenberg

Chorégraphie: Catherine Diverrès
Interprétation: Carole Gomes
Lumières: Marie-Christine Soma assistée de Pierre Gaillardot
Costumes: Cidalia da Costa
Poème La Terra di Lavoro de et dit par Pier Paolo Pasolini
Musique: Eiji Nakazawa
Durée: 25 minutes

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