DANSE | CRITIQUE

Numéro d’objet

PCéline Piettre
@08 Juil 2009

Les "Séquences" poussent jusqu’au bout leur goût de l’expérimentation avec une performance inaboutie, littéralement en construction. Son caractère spontané, supporté par un dispositif scénique des plus pertinents, ne nous préserve pas de l’ennui : celui, laborieux, des séances de répétition…

Si elles accompagnent régulièrement les expositions présentées au Plateau, les « Séquences » n’en prolongent pas forcément l’esprit, n’égalant pas toujours en qualité le projet qui les a fait naître. Ici, la proposition de Mikaël Phelippeau ne semble avoir que peu de rapport avec le travail de Richard Fauguet, à qui elle tourne d’ailleurs littéralement le dos, non sans une pointe d’insolence, notre regard étant exclusivement orienté sur le dehors, l’espace de la rue.

Invité à s’installer sur plusieurs rangs de chaises disposées à l’intérieur du plateau, dans une configuration typique de salle de spectacle, le public est amené à contempler par la baie vitrée un morceau de paysage urbain : un bout de trottoir, un arbre et une benne à ordure verte, la route bordée de voitures et un café en arrière plan. Cette « fenêtre ouverte sur le monde », cadre pour un tableau vivant, sera bientôt animée par le va-et-vient des passants et les déambulations improvisées des quatre danseuses-interprètes. Munies d’un micro, elles fredonneront chacune à leur tour, puis en chœur ou en canon, une mélodie simpliste composée au piano, rengaine monotone étoffée parfois de quelques paroles lancées comme au hasard.

Ainsi, dans cette configuration ironique, où le regardeur devient le regardé – les badauds s’amusent de notre présence insolite –, l’espace de monstration (les salles d’exposition) celui de la réception et l’univers quotidien celui de la représentation, s’organise peu à peu une parodie de spectacle, où la chansonnette est à la fois moteur, trame, rythme et substance de la mise en scène. La vitrine, paroi translucide mais hermétique, matérialise la séparation traditionnelle entre les planches et les gradins, les interprètes et le public. Le hors-champ fait office de coulisses. Il ménage un certain suspens cinématographique et permet l’existence d’une dramaturgie primitive, constituée par l’alternance des « entrées » et des « sorties ». Le texte, balbutiant, se cherche alors que les déplacements des danseuses dessinent des lignes de force, des perspectives, comme une amorce de chorégraphie. Si l’on retrouve ici tous les matériaux du théâtre, c’est sous une forme émergente, instinctive, non dégrossie, qui confine volontairement au ridicule en donnant à la pièce une portée critique.

Réflexion sur le spectacle vivant, privé ici de sa dimension spectaculaire, sur l’interprétation, la signature, avec ce chant partagé qui reste anonyme, Numéro d’objet se pose aussi la question du statut de l’œuvre et de l’artiste en général, de ce qui nous est présenté, de ce qui a valeur d’être regardé. Mikaël Phelippeau nous renvoie par là, et contrairement à notre impression de départ, à l’exposition de Richard Fauguet où les objets et les idées manufacturés se confondent avec l’unique, avec l’art, une boule de pétanque prolongée par une pompe à vélo jouant parfaitement son rôle de sculpture minimaliste.

Cependant, malgré la validité du discours, la pertinence de l’intention, l’adéquation du format avec le bâtiment, ouvert sur la rue, l’ingénuité du dispositif qui prête agréablement à rire dans cette interaction avec les passants, la sauce ne prend pas et l’inachèvement reste un obstacle à la réception. La performance a la forme d’une outre vide qu’il faudrait remplir, d’un fourre-tout inconsistant et inorganisé. Très vite, l’ennui, nourri par la mélodie récurrente, prend le dessus sur la pertinence des propos, le comique sur la crédibilité de l’ensemble. On sort un peu déçu, dans l’espoir d’une suite, cette fois plus aboutie.

— Interprétation : Mickaël Phelippeau, Valérie Castan, Claire Haenni, Sabine Macher, Pascale Paoli

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