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Nouvelles impressions d’Afrique

04 Nov - 25 Nov 2006
Vernissage le 04 Nov 2006

La galerie présente deux nouvelles séries de l’artiste polonais. Rassemblé sous le titre générique de «Nouvelles impressions d’Afrique», l’ensemble se veut un hommage à Raymond Roussel, figure d’exception des avant-gardes littéraires.

Zbigniew Libera
Nouvelles impressions d’Afrique

Le mois de la photo permet cette année de prendre la mesure de l’envergure des préoccupations photographiques de l’artiste polonais Zbigniew Libera qui occupe une place de choix dans le panthéon des personnalités avec lesquelles il faut compter. Une exposition à la galerie Anne de Villepoix ainsi qu’une présentation sous l’égide de la MEP à l’Institut Polonais de Paris prouvent que l’artiste qui vit et travaille à Varsovie est engagé dans un processus qui nous confronte aux avatars et aux aléas des images inflationnistes mais dont il fait un usage des plus astucieux et programmatiques.

Chez Anne de Villepoix d’abord, deux nouvelles séries sont présentées. Rassemblé sous le titre générique de «Nouvelle impressions d’Afrique», l’ensemble se veut un hommage à Raymond Roussel, figure d’exception des avant-gardes littéraires. Plus qu’une question de référence, il s’agit ici de signaler un positionnement flagrant de l’acte de création dans un monde qui égare sciemment ses repères. Libera se situe d’emblée du côté des radicaux et de la modernité dans le sens novateur du terme. La série intitulée «La Vue», peut être la plus emblématique, présente des paysages mystérieux d’apparence cryptée qui sont en fait des prises de vue des fentes de divers magazines avec un objectif macro permettant des changements flagrants d’échelle.

Le procédé qui tient plus du protocole est simple mais conceptuellement sophistiquée car le déplacement n’est pas physique mais topologique et remet littéralement le spectateur à sa place de voyageur de l’imaginaire. Il questionne en même temps la physiologie de la vue et sa planéité et par là même une déconstruction des a priori du statut de l’image dans ses rapports au réel. La seconde série affiche des architectures comme des souvenirs de vacances avec principalement des églises ou des mosquées. Mais toutes comportent comme un dérèglement de parallaxe, des distorsions qui semblent êtres plutôt techniques mais découlent de la volonté artistique de saisir ces «objets» glanés en feuilletant des publications, comme des points de vue pris tels quels, sans les «corriger». Ce qui peut sembler des manipulations ne sont ici que des attitudes assumées en vue d’une prise de position en référence à l’effet optique de la vision.

«Ce que fait l’estafette», présentée à L’Institut Polonais, est essentiellement un livre issu de la collaboration avec Darek Foks, l’auteur du texte, tandis que Libera signe les photomontages. L’estafette est le nom que les Polonais donnaient aux agents de liaison de la résistance nationale pendant la seconde guerre mondiale, en majorité des femmes, symboles connus de l’épopée de l’insurrection. Pour les besoins de cet opus, l’artiste rassemble des documents d’époque, images de ville dévastée et en ruine, ainsi que des photos de stars des années de l’immédiat après-guerre. Avec ces éléments, il effectue des collages dont le résultat, mariage contre-nature d’une iconographie datée mais chargée de ce que la mémoire a assimilé comme vestiges historiques, est saisissant par son côté racoleur et paradoxal. Ainsi, le mythe national en ressort frelaté mais en même temps, l’image gagne en justesse.

Zbigniew Libera est sans conteste l’un des acteurs majeurs de l’art contemporain et s’avère être l’un de ceux qui savent le mieux convertir le caractère intrusif des images omniprésentes dans notre univers dans des objets transgressifs où le mécanisme du transfert est parfait.
Ami Barak

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Raphaël Brunel sur cette exposition.

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