ART | INSTALLATION

Nous le savions. Au fond, les vagues sont seules

20 Jan - 17 Mar 2012
Vernissage le 19 Jan 2012

Les installations sonores de Luc Schuhmacher s’écoutent dans des lieux précis du temps. L’artiste commence toujours son travail avec une histoire. L’idée s’en dégage avec un espace pour la recevoir. Les mots s’enchaînent, se déploient et enveloppent le spectateur dans un univers troublant et désarmant.

Luc Schuhmacher
Nous le savions. Au fond, les vagues sont seules

Luc Schuhmacher. Quand il a été question d’écrire un texte de communiqué de presse pour cette exposition, j’ai pensé à Pauline Colonna d’Istria. Pour des raisons bien personnelles. Nous nous sommes donné rendez-vous chez elle un soir. Je lui ai formulé ma demande. Je voulais qu’elle se sente libre. Qu’elle prenne du plaisir à l’écriture. L’idée plaît à Pauline. Elle me dit qu’elle en a envie, elle dit que ce texte, nous le ferons ensemble. Nous nous reverrons pour en parler.

Pauline Colonna D’Istria. Luc, je ne peux donner que des bribes.

Biographie
Pauline Colonna D’Istria. Luc Schuhmacher vit et travaille à Paris une oeuvre sonore.

Luc Schuhmacher. Je suis né à Cannes en 1983. Après deux courts passages d’abord en faculté d’Arts Plastiques à Paris VIII puis, aux Beaux-Arts de Paris. Sans diplôme, ni même une première année validée. Je me suis remis et livré à l’extérieur, hors des cadres scolaires, pour me retrouver seul avec mon travail. Parti à sa recherche depuis, je vis et travaille toujours à Paris. C’est bizarre, rien ne vient. Tout ça prendra son chemin. Me présenter.
Par où commencer. Par où je commence. Je sais qu’un jour je terminerai, un jour je serai livré aux vivants, à ceux qui auront un souvenir de moi. Un souvenir vague. Au fond, nous le savons, les vagues sont seules.

Le communiqué de presse
Pauline Colonna D’Istria. Ce qui est — communiqué — ne compte pas.

Luc Schuhmacher. Je lui ai raconté mon horreur des communiqués de presse. Ces communiqués parfois emmurés par des mots compliqués, suivis d’autres mots, encore plus compliqués. Bien souvent, je ne comprends plus, le texte ne parle pas à mes yeux, de ce que je viens de vivre ou de voir. Ne parle pas à mes yeux. Un texte qui ne dit rien. Aux yeux fermés. Ces mots morts, ses mots emmurés vivants. Ils auraient aimé vivre, beaucoup, mais pas comme ça. Pas à cette place. A une place qui est la leur. A cette place qui les fait vibrer, raisonner comme autant d’instruments aux bois nobles. Un orchestre, un texte. Un mot, Un instrument parfaitement accordé –Vivant, en accord avec les autres.

Les bribes
Luc Schuhmacher. Un mot que Pauline a choisi pour parler de mon travail. Sur les bribes, je n’écrirai pas.

Pauline Colonna D’Istria. De l’art contemporain, Luc Schuhmacher en provoque le silence. Un espace s’ouvre au regard pour le perdre; la gageure est dans l’écoute. Une voix se donne à entendre. L’air de rien. Sans donner l’impression d’en avoir conscience, l’artiste déjoue à tous coups, les codes de ce qui se donne aujourd’hui à voir et à vendre. À ses expositions, il choisit pour titre de donner des phrases. Déployant contre le mot court, qui se retient, qui s’exporte, qui se mange, le temps long d’une histoire qui s’engage.
Luc Schuhmacher parle une histoire à l’h minuscule — que tout le monde oublie — où se dit la sexualité, la maladie, la rencontre, la mort, le souvenir. Un «je» à rebours du lyrisme du moi. L’artiste orchestre un choc des voix sans ouvrir l’évidence d’un espace de l’intime. Le spectateur, invité à choisir d’écouter ou pas, ne sait plus ce qu’il est. Le fond des choses est hors de portée dans cette œuvre de la matérialité du dire. Dans ses dessins, ses films, ses installations, sur son papier recyclé, au creux des objets, une parole est à l’oeuvre qui brouille toutes les cartes. Le flux d’une conscience. La mer n’est pas un hasard.

La mer
Pauline Colonna D’Istria. La question du sens se repose – la mer – au creux – les vagues – d’élans qui ratent – la mère.

Luc Schuhmacher. La mer fait ce qu’elle peut. Elle est en proie au vent à la lune qui la fait monter ou descendre. Elle est juste la mer. Ma mère à moi fait ce que qu’elle peut aussi. Sous la surface de nos échanges, il y a tout un monde. Au fond, dans les abysses il y a son histoire. Cette histoire qu’elle a le droit de ne pas vouloir remuer, de ne pas vouloir y plonger, pour y remonter des choses à la surface. C’est l’histoire de beaucoup d’entre nous. Je pense qu’elle comprendra, si elle voit cette exposition, que l’installation, Nous le savions. Au fond, les vagues sont seules, ne parle pas d’elle mais de moi. De mon désir de la voir autrement qu’éprise aux intempéries des mots des autres. De la savoir heureuse.

Vernissage
Jeudi 19 janvier 2012

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