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Nord

PRoland Cognet
@12 Jan 2008

Ville Ouverte présente la série Nord du photographe Aymeric Fouquez qui prend le prétexte des cimetières militaires de la Grande Guerre pour explorer les paysages du nord de la France.

L’association Ville Ouverte, bien installée dans d’anciens bains douches à l’architecture années 30 remarquable, est un lieu de création et de diffusion sur la ville, l’architecture et le patrimoine. C’est à ce titre qu’elle suit le travail d’Aymeric Fouquez dont un des premiers ouvrages, réalisé avec Josef Koudelka, était consacré à la transformation du quartier Masséna dans le XIIIe arrondissement de Paris.
Elle expose actuellement une partie de la série Nord qui, commencée il y a plus de trois ans, s’appuie sur les cimetières militaires du nord de la France pour explorer les paysages de cette région.

Comme la plupart des travaux sériels, Nord est animé par un principe de répétition et de variation. Les 38 photographies exposées, qui rendent bien compte de la série qui en comprend près de 70, sont toutes de mêmes dimensions (18 x 22 cm).
Classiquement bordées de maries-louises et encadrées, elles constituent de petits objets précieux. Elles comprennent toutes un de ces cimetières militaires de le Première Guerre mondiale qui se distinguent du paysage de plaine environnant par leur enclos de pierre ou de brique, leurs arbres, leurs stèles et leurs monuments.
Ces photographies sont caractérisées par leur neutralité.
La lumière blanche ne produit ni ombre, ni effet lumineux qui viendraient perturber la perception du motif ou dramatiser l’image. Les couleurs sont restreintes aux verts, aux terres, aux gris et au blanc. Très froide, cette palette est aussi très subtile. A cet égard, on conseillera de visiter cette exposition sous la lumière du jour : les spots, un peu puissants, ont en effet tendance à écraser les images et à atténuer cette richesse chromatique.

Gage de cohérence, cette neutralité affichée est la seule concession à l’école objectiviste et typologique. Aymeric Fouquez ne procède pas à un recensement systématique des cimetières militaires d’une région. Il n’applique aucun dispositif ou protocole. La seule contrainte qu’il s’impose est de travailler à la chambre sous un ciel gris et uniforme d’hiver.
Aucun nuage ne vient troubler le regard du spectateur qui peut, dès lors, se consacrer aux multiples détails du paysage, même si le petit format des images interdit d’en jouir pleinement.
Passée cette contrainte, Aymeric Fouquez multiplie les variations. Le ton est tantôt prosaïque, tantôt contemplatif. Un cimetière est bordé par une décharge sauvage et une basse-cour. Un autre devient, au contraire, un élément d’une composition abstraite qui révèle la géométrie et la matière de ces cimetières et des champs qui les entourent.
Le point de vue est plus ou moins distancié. Aymeric Fouquez n’hésite pas à proposer une vue rapprochée et fragmentaire de son sujet ou, au contraire, à se placer très loin du cimetière qui est alors minuscule et ancré à la ligne d’horizon. Le cimetière semble alors disparaître, absorbé par le paysage environnant. Il devient ainsi un prétexte mis au service d’une approche à la fois sensible et critique du paysage.

Aymeric Fouquez explore, en effet, les liens entre l’homme et son environnement. Plus précisément, il interroge notre capacité à assimiler, en l’intégrant ou en l’excluant, un espace aussi peu anodin qu’un cimetière militaire. L’artiste envisage bien sûr cette question sous l’angle mémoriel. D’autant que son travail s’appuie sur le souvenir de s’être rendu régulièrement, enfant, dans un cimetière militaire de la région pour y jouer au football. Une telle réappropriation des lieux traduirait, selon lui, une volonté d’oubli.
Plus largement, Aymeric Fouquez s’intéresse à la manière dont cet élément récurrent qu’est le cimetière militaire s’intègre à son environnement et peut le modifier. Abrité par un enclos, il constitue une sorte d’îlot fermé sur l’extérieur. Parfois, perdu au milieu des champs, il n’est même plus accessible. Ailleurs, il est coincé entre une route et une façade couverte d’enseignes. Il finit écrasé par un environnement qui semble entièrement dominé par des contraintes économiques.

Ainsi, les paysages du nord s’inscrivent-ils dans le temps long de l’histoire et de la mémoire. Ce sont des palimpsestes qui gardent les marques de leurs différents usages. Néanmoins, Aymeric Fouquez insiste sur leur topographie actuelle et livre des instantanés d’un territoire où semblent se confronter production économique et préservation de la mémoire.

Aymeric Fouquez
38 oeuvres extraites de la série Nord, 2004-2007. Photo couleur. 18 x 22 cm


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