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Non-Lieu

Trois artistes investissent l’espace d’exposition du Plateau pour confronter le visiteur à son environnement. Abolir les repères, déstabiliser le regard, déséquilibrer les corps, chaque installation joue son œuvre de désintoxication spatiale et normative. Une réactivation du lieu qui se situe à la marge, dans l’intervalle, en suspension, mais jamais où l’on croit qu’il se clôt.

— Éditeurs : La Lettre volée, Bruxelles / Le Plateau – Frac ÃŽle de France, Paris
— Collection : Livres d’Art et de Photographie
— Année : 2004
— Format : 21 x 29,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 56
— Langue : français
— ISBN : 2-87317-239-8
— Prix : 17 €

Lire l’article sur cette exposition collective au Plateau (20 mars – 23 mai 2004)

Intensités
par Éric Corne (extrait, p. 11)

Non-Lieu réunit trois artistes, Miriam Cahn, Laurent Pariente et Romain Pellas. Entre architectures, installations, environnements, sculptures, peintures, dessins et photographies, ces trois artistes définissent des œuvres laissées en énigme, tant pour la perception du regardeur que dans leurs temporalités respectives. Elles suspendent et condensent l’espace, et délimitent une traversée de seuil à seuil, de seul à seul, là, où le voir se décline en expérience solitaire et intérieure de l’incomplétude. Non-Lieu se décline en plis et contre-plis, reprenant ainsi les termes de Gilles Deleuze, où se lisent les césures et l’absence de repères géographiques et temporels. Non-Lieu d’une expérience qui ne peut être maîtrisée, un « hors-de-soi (ou le dehors) qui est abîme et extase, sans cesser d’être un rapport singulier » écrit Maurice Blanchot [La Communauté inavouable, Paris : éd. de Minuit, 1983, p. 34].

Les œuvres de ces trois artistes nécessitent notre immersion en elles, dans leur prolifération et leur contraction, et ainsi nous sommes traduits par et dans le mur (Laurent Pariente), les constructions-assemblages (Romain Pellas), les visages-paysages des peintures, dessins et photographies (Miriam Cahn). =Voir, c’est ici se promener et se disperser en légende à l’intérieur de nous-même, cette enveloppe de l’infini, de l’infini, à toujours prendre, reprendre-comprendre. Traverser sans visée ni chemin, marcher vers la croisée d’un espace, où tout est construit, bâti, et mon(s)tré, non pour remplir ou contraindre l’espace mais pour l’évider et en tenir le rien dans toute sa concrétude. « Notre désir serait de nous voir nous-même traduit dans la pierre et dans la plante, de nous promener au-dedans de nous- même. » [Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, Paris : Club français du livre, 1957, p. 272]

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions La Lettre volée)