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Nobody Dies

PPierre-Évariste Douaire
@10 Déc 2008

Après les mangas Mr. s’essaie au cinéma. Au lieu d’investir le film d’animation il reprend les codes des téléfilms jeunesses. Cinq jeunes filles, adeptes du «Girl Power» veulent prendre leur revanche dans une partie de Paint Ball.

Entre candeur et espièglerie nos aventurières en petites culottes camouflées fluos aiguisent leurs pistolets en plastique. Un club des cinq sexy mais décevant.

Monogram Flat de Murakami
était un petit chef-d’œuvre d’animation. Il transposait Alice aux pays des merveilles dans l’univers du luxe français. Le miroir qui permettait tous les passages, était celui de la porte d’entrée d’un magasin Louis Vuitton. La petite fille était transportée dans un univers hallucinant et féerique. Long de trois minutes, le dessin animé publicitaire était une vraie réussite. L’argent du mécène avait transformé un projet prometteur en fabuleux résultat.

Avec cette commande, l’artiste japonais se plaçait dans la lignée  d’un Miyazaki, l’auteur de Princesse Mononoké. Le rêve de Murakami se concrétisait, car au fond ses activités artistiques servent ses aspirations cinématographiques. Ses tableaux, ses sculptures financent, alimentent son désir de réalisateur.
La constitution d’une Factory à la Warhol n’a que cette idée en tête. Cette structure lui permet d’entreprendre et concrétiser ses idées les plus complexes mais aussi les plus coûteuses. Ses aspirations sont moins à chercher dans le monde de l’art que dans celui des grands studios que sont Disney et Pixar.
Vacances d’été à la Fondation Cartier, rassemblait sur le même plateau les collaborateurs du maître et la nouvelle scène de l’avant-garde japonaise. Les anciens assistants sont aujourd’hui ceux qui prolongent cette vague manga.

Cette conception de l’art est très intéressante. Cette visibilité pour conquérir d’autres médias est efficace. Quand le rappeur et producteur R&B, Kanye West, orne son précédent album d’une peinture du successeur d’Hokusai, chacun espère que la collaboration ira plus loin et accouchera d’un clip. Les français Daft Punk, n’ont pas hésité à contacter Matsumoto, le concepteur d’Albator, pour qu’il réalise un long métrage, Interstella 5555. Le film était le montage de plusieurs clips des pionniers de la French Touch. Le disque et sa mise en image était ambitieux.

En France, Enki Bilal multiplie les aller-retour entre la bande dessinée, la littérature et le cinéma. Bien qu’imparfaitement, il a tenté de transposer sa fameuse Femme piège sur grand écran. L’ambition artistique reste toujours présente, pourquoi alors Mr. ne suit-il pas la même voie que ses prédécesseurs ? Pourquoi accouche-t-il d’une sous série télévisée? Loin d’avoir la même exigence que ses pairs, la vidéo qu’il livre est une vraie déception.

Le carton d’invitation avait tout pour séduire. Le style manga y était reconnaissable. La première salle de l’exposition pouvait faire illusion. Les toiles accrochées ressemblaient à un preview. Elles servaient d’accroche, de préambule à ce qui allait se passer après. Malheureusement le film d’animation espéré n’est pas au rendez-vous.
A la place il y a une vidéo de trente minutes qui est aussi surréaliste qu’improbable. Les travaux préparatoires laissent place à un soap nippon destiné aux programmes jeunesses. Entre Bioman et Hélène et les garçons, le film surprend. Il est incongru dans une galerie et aurait plus sa place dans les grilles de Disney Chanel le dimanche matin.

Cinq jeunes filles en fleurs, cinq free fighteuses lookées rose bonbon se lancent dans une revanche. Après avoir perdu une partie de paint ball, elles se préparent à rendre coup pour coup. Elles s’entraînent, s’arment, s’équipent, s’aident pour que l’amitié guirly triomphe. Le résultat est décevant car l’intrigue, mais surtout la réalisation, ne sont pas à la hauteur.

Ce club des cinq surprend par sa niaiserie. Trois plans lubriques viennent colorer l’ensemble. Un regard incestueux d’un frère sur sa sœur. Deux-trois plans sur une petite culotte connote l’ensemble et rappelle autant Araki que Nicky Larson. Le culte pour les dessous intimes des collégiennes n’est plus une découverte pour nous européens, mais il est toujours source d’incrédulité et d’incompréhension.

Mais le fiasco à l’écran provient de la transposition ratée d’un univers dessiné à une réalité filmée. Ce qui fonctionne sur papier est frappé d’inconsistance sur l’écran de projection. Les toiles de la première salle sont en complète opposition avec le film. Ces promesses peintes auraient gagné à être mises en scène dans un film d’animation. Dommage.

Mr.
— Celebration at the Oden Food Stall, 2008. Photographie, aluminium, encadrement. 116 x 148,5 x 5 cm.
— Together Also at School, 2008. Photographie, aluminium, encadrement. 116 x 148,5 x 5 cm.
— Team Rabbit, 2008. Photographie, aluminium, encadrement. 116 x 148,5 x 5 cm.

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