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Nina Childress

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Bernard Jordan accueille la première exposition personnelle dans sa galerie de l’Américaine Nina Childress, peintre conviant dans ses toiles grand format à des mises en scènes complexes, où lumière et couleurs définissent un décor que la mémoire doit recomposer.

Les images de Nina Childress, peintre américaine vivant à Paris et exposant depuis une douzaine d’années en France, ont un air de « déjà vu », car, selon Yannick Milous, l’artiste «persiste à interroger le cliché dans le sens photographique du terme, mais aussi la peinture en tant que cliché, où tout semble avoir déjà été peint, de toutes les manières possibles, et avoir déjà été récupéré, stylisé, épuisé dans le décor».

L’exposition de la galerie Bernard Jordan est orchestrée autour d’un grand triptyque, Les Couleurs éclatantes… (2006), juxtaposant trois toiles de 2 mètres de haut sur 1,20 mètres de large. La toile centrale représente ce qui semble être, d’après l’expression du personnage à l’arrière-plan, une scène d’opéra. La chanteuse au premier plan, habillée à la mode romantique, porte un regard inquiet vers l’extérieur de la scène. La scène paraît très posée, mais comporte aussi une dimension photographique par la spontanéité du regard de la jeune femme.
A droite, une autre toile, peinte uniquement en valeurs de gris, représente un intérieur Biedermeier, typique du milieu du XIXe siècle, et dont la datation pourrait concorder avec celle des costumes de la première toile. A gauche enfin, un autre intérieur, plutôt datable des années 1970, fait le lien entre les deux époques grâce à un portrait d’homme, que l’on peut lui aussi, situer au XIXe siècle.
Dans cette iconographie complexe, Nina Childress établit une sorte de stratification des époques, non seulement par les décors et les costumes, mais aussi par les couleurs, passant de tons saturés et stridents, dans l’intérieur contemporain, à une totale absence de couleurs dans la toile opposée. La narration semble ici pervertie par le souvenir vague d’événements ou de sentiments passés.

Un second triptyque, La Grande Chambre verte (2007), surprend par la vivacité des couleurs. L’éclairage de la chambre, meublée dans un mélange de styles rococo et moderne, ainsi que l’absence de toute humanité, rendent la scène inquiétante. La couleur semble également être l’un de thèmes principaux du diptyque Rondeau sur fond rouge (2007), où un groupe de six statuettes représentant des putti musiciens est représenté sur un fond rouge sang. La fraîcheur de cette charmante saynète est contredite par l’artificialité même des personnages, qui ne sont finalement que des objets. Nina Childress explore ici encore le décalage entre réalité et perception, notamment grâce à la couleur, qui souvent la première, trahit la mémoire.

A l’occasion d’une exposition personnelle de Nina Childress l’an prochain au Frac Limousin, un catalogue monographique sera publié en coédition avec la galerie Bernard Jordan.

Nina Childress
— Rondeau sur fond rouge, 2007. Huile sur toile, diptyque. 195 x 228 cm.
— Sissi couronnée, 2007. Huile sur toile. 195 x 130 cm.
— La grande chambre verte, 2007. Huile sur toile, triptyque. 195 x390 cm.
— Interférences-couloir, 2007. Huile sur toile, diptyque. 195 x 228 cm.
— Les couleurs éclatantes…, 2006. Huile sur toile, triptyque. 195 x 358 cm.
— Tableau de tableau, 2005. Huile sur toile, 60 x 65 cm.

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