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Nils-Udo

Pg_Pompidou16xMagritte05bFamine
@12 Jan 2008

Mêlant sculpture éphémère, installation précaire et grand format photographique, les œuvres de Nils-Udo sont produites dans et avec la nature. Au-delà de leur apparente fragilité matérielle, elles se situent au plus près des forces telluriques et ésotériques de la nature, célébrant les temps immémoriaux des fêtes et des cérémonies liées à la question des origines.

Tiges de bambous, pétales d’églantines, terre, eau, jacinthes des bois, feuilles mortes ou encore branches d’érables et de noisetiers, Nils-Udo travaille depuis les années soixante-dix avec les éléments naturels. Sur les brisées des mouvements contestataires et de leurs résonances dans un champ artistique prônant le décloisonnement radical des pratiques et des techniques, il déserte l’atelier et quitte la ville. Délaissant la peinture — médium qu’il a depuis « retrouvé » dans des œuvres récentes où se combinent acrylique sur papier et image argentique —, l’artiste bavarois se tourne dès lors vers la photographie et commence à concevoir et à organiser ses œuvres en différentes séries.

Ancré à l’origine dans un mouvement historique et théorique bien déterminé (Land Art, Environment Art), ses interventions dans le paysage se distinguent néanmoins des stratégies lourdes et spectaculaires développées par certains artistes américains — celles de Robert Smithson, par exemple —, soucieux, notamment, des dégradations infligées par l’homme à l’environnement.
Si Nils-Udo n’est pas insensible à la destruction progressive de la nature, comme le montrent de nombreux projets visant à sauvegarder des paysages menacés, les grands formats colorés accrochés sur les murs de la galerie se démarquent cependant de ses contemporains américains tant sur un plan esthétique que relationnel (sens et place de l’intervention physique de l’artiste dans le paysage).

Nils-Udo déploie en effet un vocabulaire plastique qui ne nécessite ni violentes saignées dans le territoire, ni déplacement de terrain considérable. Derrière l’apparence de leur fragilité matérielle, ses œuvres sont ici au plus près des forces telluriques et ésotériques de la nature, déclinées notamment à travers la figure archétypale du nid (Nid rouge, 1999 ; Red Rock Nest, 1998).
Mêlant sculpture éphémère, installation précaire et grand format photographique, Nils-Udo élabore, au sein même de ces images, des scénographies colorées plus ou moins complexes qui, en filigrane, célèbrent les temps immémoriaux des fêtes et des cérémonies liées à la question des origines (du monde, des hommes, de la vie). Conséquences d’une action réalisée « dans et avec la nature », mais rigoureusement pensée en direction de l’acte photographique, ces mises en scènes d’une très grande beauté plastique et visuelle ouvrent des espaces perceptifs, poétiques et fictionnels inédits.

Ainsi dans Nid rouge, des branches d’érable dressent un toit fragile au-dessus d’une forme ovale creusée à même le sol, et recouverte d’un gazon au vert profond. Située au milieu de l’image et parsemée d’une gerbe de sorbes rouges carmin, l’entrée de ce berceau primitif — qui semble attendre un corps ou un œuf — baigne dans une flaque de lumière douce, filtrée par le feuillage des arbres alentour. Sur un registre plus épuré encore, mais filant toujours la métaphore originelle, Red Rock Nest montre, adossé à une roche, un nid de bambou ceint par une constellation d’oranges et de citrons jaunes et verts disséminés sur une terre sombre.

Dans ce contact avec les forces et les énergies vitales de la nature, l’eau est un autre matériau fréquemment manié par l’artiste. Essentiel à la vie, d’une fluidité sans formes, sensible au moindre mouvement et toujours prêt à fuir, cet élément liquide est ici utilisé pour ses effets de miroir qui, en intégrant les reflets du ciel dans l’espace de la représentation, brisent les clôtures du cadre photographique.
Piégés à l’intérieur de structures géométriques rudimentaires de noisetier ou de roseau délicatement déposées sur l’eau, les éclats nébuleux se mêlent à des fleurs d’iris des marais ou à des sorbes rouges brillantes, dans un ensemble évoquant la beauté ornementale des rituels religieux, avec leur guirlande de fleurs ou de fruits. Réalisées avec une économie de moyens remarquable à travers une action qui engage entièrement le corps de l’artiste, les œuvres photographiques de Nils-Udo explorent de nouvelles dimensions spirituelles et temporelles. Sur un versant plus sombre, elles expriment, aussi, un état des lieux sensible d’une nature toujours plus fragilisée dans ses devenirs.

Nils-Udo :
— Nid rouge, 1999, Terre, plantation de gazon, branches d’érable, sorbes, Ilfochrome sur aluminium, 100 x 150 cm, Aix-la-Chapelle.
Alpinias, 1991, Ilfochrome sur aluminium, 100 x 167 cm, Martinique.
— Roseaux, tiges d’herbes, pétales d’églantines Rosa Rugosa « Thumberg », 1986, Ilfochrome sur PVC, Sylt, Mer du Nord.
— Ruisseau de sorbes, tiges de noisetier et sorbes, 1993. Ilfochrome sur aluminium. 100 x 100 cm, Donauried, Bavière.
— Red Rock Nest, 1998. Tiges de bambou, terre, oranges, citrons jaunes et verts (Red Rock Canyon, Californie), Ilfochrome sur aluminium. 100 x 150 cm.
— Paysage avec iris des marais et cadre en roseau, 1994. Ilfochrome sur aluminium. 92,3 x 100 cm.

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