ART | CRITIQUE

Nicole Eisenman

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

Au Plateau, les expositions se suivent et ne ressemblent pas. Après «Société anonyme» qui prêtait plus à discuter qu’à voir, voici l’exposition Nicole Eisenman qui prête peut-être plus à voir qu’à discuter. Mais, c’est à voir.

Notons tout d’abord que cette exposition a été conçue en collaboration avec la Kunsthalle de Zurich et qu’elle nous permet de découvrir une artiste peu montrée en France à travers un regroupement important d’œuvres réalisées depuis les années 90.
Nicole Einsenman est une artiste new-yorkaise de 42 ans très appréciée aux Etats-Unis. Son succès confirme le goût actuel pour une imagerie parfois triviale, une figuration décomplexée, incarnée, habitée, souvent fantasmée, un réalisme débridé doté d’une expressivité intense qui peut horrifier sinon désappointer.

L’exposition est découpée en trois parties principales: deux parties relativement classiques avec des œuvres souvent de formats imposants et généralement peintes à l’huile, isolées les unes des autres, accompagnées de cartels avec titres (particulièrement significatifs) en anglais traduits en français, et une partie centrale conçue par l’artiste comme une installation qu’elle intitule «Drawing Clinic» (clinique de dessins) et qui se présente sous l’aspect de deux murs entièrement recouverts de dessins et peintures de multiples formats, médiums et statuts (de l’esquisse spontanée à la toile achevée).

La confrontation de ces deux types d’espace, d’un côté l’espace de la déclaration des œuvres, de leur revendication, de leur valorisation, en un mot de leur exposition au sens conventionnel, de l’autre celui — sans doute — de leur conception, de leur réalisation, de leur réparation et de leur conservation (le mot clinique permet de comprendre la façon dont l’artiste conçoit l’atelier et par extension sa pratique), permet de mieux comprendre la façon de travailler de Nicole Eisenman.

Nicole Eisenman procède à la fois de l’emprunt, de la citation, du pastiche, du détournement, du réemploi, de la caricature, de la satire, et de toutes ces postures qui revendiquent la réappropriation comme procédé de création et légitiment la réécriture au rang d’œuvre d’art.

La peinture occidentale et européenne (globalement la peinture classique) lui fournit sa principale base de données iconographiques et fictionnelles bien qu’elle se saisisse avec autant d’aisance d’images empruntées aux médias, à la publicité, à la bande dessinée, à l’album illustré ou au cinéma porno.
Cette multiplicité des références et des genres engendre également une certaine polyvalence stylistique; en effet, l’artiste peut avoir recours à divers modes de rendus, feignant de peindre tantôt comme Rubens, tantôt comme Picasso, simulant une dessin tantôt à la Hergé tantôt à la Reïser.
La facture peut elle aussi varier, lisse et léchée par moments, empâtée et matiériste par d’autres. Enfin l’artiste joue librement avec les différents registres expressifs de l’image, de l’allégorie savante à la caricature grotesque en passant par le comique de situation.

Dés lors, on comprend vite que le fond de l’affaire ne se joue pas seulement dans les apparences qui à force de détournement finissent par être déjouées puis dénoncées. Derrière cette relecture constamment teintée d’humour et de dérision s’imposent un regard critique, une forte revendication identitaire, celle d’une femme artiste homosexuelle qui nous propose à travers sa ré-vision des images de l’art, de repenser les principes fondateurs de notre esthétique, de réévaluer les conventions implicites véhiculées par une iconographie souvent machistes qui fait notre culture.

Nicole Eisenman
— Inspiration, 2004. Huile sur. 129 x 100,4 cm.
— I’m With Stupid, 2001. Huile sur toile. 130,18 x 97,79 cm .
— Bier Garden, 2007. Huile sur toile. 165,1 x 208,28 cm.
— From Success to Obscurity, 2004. Huile sur toile. 129,54 x 101,6 cm.
— Dust Buster, 2001. Huile sur toile. 152,24 x 111,76 cm.
— Huffer, 2001. Huile sur toile. 152,24 x 111,67 cm.
— Circuit Hag, 2001. Huile sur toile. 152,24 x 111, 67 cm.
— Ketchup Mustard War, 2005. Huile sur toile. 198,12 x 15,4 cm.
— Little Shaver, 2005. Huile sur toile. 60,96 x 45,72 cm.
— Captain Awesome, 2004. Huile sur toile. 127 x 101,6 cm.
— The Work of Labor and Care, 2004. Huile sur toile. 129,5 x 100,4 cm.
— Wolfie Considering Himself, 2007. Huile sur carton. 99,1 x 121,9 cm.
— Team Shredder, 2006. Triptychon. Huile sur pavatex. 26,5 x 305 cm.
— Swimmers, 1996. Huile sur toile. 124,3 x 143, cm.
— The USS Williamburg Crashing off the Shore of Fame, 2002. Encre sur papier. 130,17 x 170,18 encadré.
— Underwater Drawing Lesson, 1993. Encre sur papier. 91,44 x 152,4 cm.
— Underwater Drawing Lesson, 1994. Encre sur papier. 116,84 x 133,35 cm.
— Commerce Feeds Creativity, 2004. Huile sur toile. 129,54 x 100,5 cm.
— Hamlet, 2007. Huile sur toile. 208,28 x 165,1 cm.
— Ambition Distracted from Achievement by a Clique of Bitchy Sluts, 2002. Encre de Chine, fusain et graphite sur papier. 104,14 x 170,81 cm.
— Mining, 2005. Exploitation minière, 2005. Huile sur toile. 153 x 198 cm.
— Marxist Symbol of the Corruptive Influence of Capitalism, 2001. Huile sur toile imprimée. 154,94 x 172,72 cm.
— Hanging Birth, 1994. Huile sur toile. 184,5 x 143,5 cm.
— Batcave, 2000. Huile sur toile. 185,6 x 116,8 cm.
— The Origins of Men, 2004. Aquarelle et crayon sur papier. 62,3 x 100,7 cm.
— TWA, 1996. Aquarelle sur papier. 76,2 x 55,8 cm.
— Dysfunctional Family, 2000. Huile sur toile. 53,3 x 43,3 cm.
— Drive, 2006. Huile sur toile. 30,5 x 30,5 cm.
— Chilhood Dreams: Sticky and Free Floating, 2002. Huile et encre sur impression sur papier.

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