ART | CRITIQUE

New Paintings

PLéa Bismuth
@12 Jan 2008

Philip Pearlstein a traversé plus d’un demi-siècle d’art américain: très lié à Andy Warhol, fasciné par l’école de New York, il a su dépasser ses influences (du Pop Art à l’Expressionnisme abstrait) en créant sa propre voie picturale.

Dans la série de nouvelles toiles présentée à la galerie Daniel Templon, Philip Pearlstein met en évidence l’artificialité de l’art de peindre. Ses titres ont presque tous la même structure: «Models with…» (Models with African Drum, Model with Wooden Airplane…), ce qui fait implicitement référence à la tradition du peintre derrière son chevalet et déjoue l’illusion réaliste de la scène.

De plus, le cadrage est lui aussi très surprenant puisque les «modèles» sortent du cadre — les modèles féminins ont la tête coupée à de multiples reprises —, comme si la toile était trop petite, la réalité trop difficile à capter dans son intégralité, la vie impossible à réduire. De même, les mains et les pieds sont souvent disproportionnés, comme pris en gros plan.
En réalité, Pearlstein tente de mettre en question le regard qui est porté sur la toile: qu’est-ce qui est privilégié par le peintre et pourquoi ? Comment peindre dans un monde où l’image est toujours déjà fabriquée et choisie par le cadrage et la prise de vue ?

Dès lors, dans une perspective quasi cinématographique, Philip Pearlstein apparaît comme un metteur en scène: des femmes nues et lascives sont abandonnées dans des intérieurs confinés, en proie à la découverte d’objets en tous genres.
Les objets sont des accessoires indispensables à la composition de la toile: on découvre des objets insolites comme une maquette de la Maison Blanche, un avion en bois, un tambour africain, mais aussi des meubles qui structurent l’espace tels que des chaises ou un fauteuil en plastique transparent très seventies…

Ces objets et ces meubles introduisent la présence des corps des modèles, corps nus et lumineux qui reflètent les lumières de la pièce. Ces corps frappent par leur nudité désexualisée, puisqu’ils ne font appel à aucun imaginaire érotique: ces corps sont là, ils sont agencés dans l’espace, endormis sur le ventre ou éveillés la tête dans les mains, au regard vide ou triste. Face à un corps nu, dont les os, les muscles et les veines dessinent des contours aléatoires, s’impose toujours l’omniprésence de la géométrie colorée d’un tapis. Chaque toile offre un tapis en toile de fond, tapis qui fait parfois glisser les modèles en brisant la perspective.

Philip Pearlstein n’est pas un peintre réaliste au sens où le réalisme respecte la perspective, les proportions, les situations crédibles; il n’est pas non plus hyperréaliste puisqu’il questionne les distorsions du regard et ne prend aucune vision pour acquis. Il est le peintre d’une réalité mise à distance.

Philip Pearlstein
— Luna Park Lion with Two Models, One Leaning on Lion, 2001. Huile sur toile. 122 x 152 cm.
— Models with African Drum, 2004. Huile sur toile. 152 x 122 cm.
— Male and Female Nude with His Master’s Voice and Exercise Ball, 2003. Huile sur toile. 122 x 152 cm.
— Mickey Mouse, White House as Bird House, Male And Female Models, 2001. Huile sur toile. 152 x 183 cm.
— Two Models with Chinese Kite, 2005. Huile sur toile. 183 x 152 cm.

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