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Natacha Nisic. Effroi

Photographies et film réalisés à l’occasion d’un voyage de l’artiste à Auschwitz. Loin de tout voyeurisme, Natacha Nisic a choisi de mettre en images les réservoirs et plans d’eau du camp de concentration qui, seuls, gardent encore la trace visible de l’horreur du lieu (les cendres de ceux qui y furent brûlés), dernier miroir de l’effroi qu’ils reflètent encore.

— Auteurs : Annette Becker ; préface de Noëlle Chabert ; note d’intention de Natacha Nisic
— Éditeurs : Paris musées ; musée Zadkine, Paris
— Collection : L’atelier du sculpteur
— Année : 2005
— Format : 15 x 21 cm (Dvd et poster inclus)
— Illustrations : 32, en couleurs
— Pages : 80
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-87900-924-3
— Prix : 19 €

Présentation

À la suite d’un voyage à Auschwitz où elle était venue réaliser un film [La Vue de Birkenau commandée par le Mémorial de la Shoah pour lequel elle réalisera plus tard Le Mémorial des enfants], Natacha Nisic retourne en mars 2005 effectuer sur les lieux d’une première expérience singulière une sorte de voyage intérieur qui rejoint la mémoire universelle.

«Effroi» consiste en la présentation par Natacha Nisic de documents photographiques et filmiques. C’est en deux temps que l’artiste s’est engagée dans la réflexion sur le processus de l’image, le visible et l’invisible, le document et sa valeur de preuve. Une image s’est d’abord imposée à elle face à l’eau stagnante d’un réservoir. Animal réel ou présence ressuscitée des cendres des corps des prisonniers ? Est venue ensuite la décision d’interroger le statut de cette image autant que la possibilité ou non d’y répondre. «Ce film est une réponse à l’acte photographique et ce qu’il a suscité, comme une inversion du processus de l’image, un travail en négatif. De la vie rendue à la surface de l’eau, rendue à la mare et à ce qu’elle contient»*. Photographies et films ne vont pas l’un sans l’autre, le film fixant «la mémoire, c’est-à-dire ce qui nous échappe»*.

«Effroi» se situe dans une zone qui interroge les modes de transmission de la mémoire. On se trouve là, face à l’effroi, dans l’entre-deux, dans l’incapacité d’avancer ou de reculer.

Montrer les photographies accompagnées du film questionne le statut même des images. «Comment l’invisible est rendu visible lorsque la trace photographique dépasse l’impression rétinienne. L’image se situe dans cet interstice entre ce que l’on a cru voir, et ce que l’on croit voir, dans un champ compris entre l’interprétation symbolique et le document.»* [*extraits de la note d’intention de l’artiste, octobre 2004]

En écho, l’artiste a aussi trouvé une résonance à sa propre expérience dans certaines œuvres d’Ossip Zadkine, réalisées entre 1943 et 1944 et à travers ses témoignages de l’époque. La Prisonnière et le Phénix, «ses revenants» comme les nomme le sculpteur, révèlent la position d’un artiste en exil à New York qui crie l’enfermement des prisonniers, l’effroi du silence… Mais il s’agit aussi de la renaissance, après son retour en France, dans ces images sculptées de «lendemain de désastre» : La forêt humaine (1947-1948), La Ville détruite (1947-1951)…

Parallèlement aux commémorations des retours des camps de déportation et de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’exposition de Natacha Nisic, «Effroi», s’inscrit dans ce cadre et au-delà. S’octroyant la possibilité d’adopter un nouveau langage qui ajouterait une autre voix à celle de l’historien, l’artiste parle alors de «mémoire suggestive». Travail en creux sur les traces et les réminiscences.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du musée Zadkine — Tous droits réservés)

L’artiste
Natacha Nisic est née en 1967 à La Tronche, Isère, France. Elle vit et travaille à Paris.

L’auteur
Annette Becker est historienne, spécialiste de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, et enseigne cette discipline à l’université Paris X-Nanterre.