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Natacha Lesueur. Surfaces, merveilles et caprices

Les compositions photographiques de Natacha Lesueur ne cachent rien de la crudité organique des choses. Autour de ses images, les fantômes de maîtres anciens se réactivent. Cette première monographie consacrée à l’artiste française développe un travail très cohérent et personnel sur les thèmes du corps, de la nourriture et de l’image photographique.

Information

Présentation
Thierry Davila
Natacha Lesueur. Surfaces, merveilles et caprices

Depuis le début des années 1990, l’artiste française Natacha Lesueur invente un monde éminemment inscrit dans l’époque mais qui appartient aussi et profondément à la longue durée de l’histoire. Pour ce faire, elle utilise des ingrédients divers — toutes sortes d’aliments, de parures, de décors, de fantaisies et de merveilles — qu’elle accommode avec des parties du corps humain pour faire des images difficilement classables dans l’histoire de la photographie. Car si le corps, plus souvent celui de la femme que de l’homme, est un élément clé de cet univers virtuose, il ne permet pas, par exemple, de relier cette œuvre aux pratiques corporelles aujourd’hui les plus connues et les mieux repérées (celles du body art, notamment): quelque chose d’autre est en jeu dans ces «appétissantes» représentations que les classifications actuelles ne nous aident en aucune manière à cerner et à épuiser.

C’est ce que montre cette monographie — la première consacrée à l’artiste — qui propose un parcours visuel complet dans une œuvre dont les développements récents sont aussi désarçonnant que les premières manifestations tout à la fois étranges, inquiétantes et attirantes parce que séduisantes. Du dégoût affleure à même la logique de la séduction, de la violence perle le long de décors élaborés avec une précision clinique, une fêlure profonde mine ces corps rarement photographiés dans leur entier car livrés à un morcellement insurmontable: voilà pour ce monde et ses aspects. Mais il y aussi une grande technicité mobilisée pour la confection de l’image, une invention qui confère à ces visions construites une singularité liée à leur étrangeté et leur capacité à surprendre: voilà pour leur appartenance actuelle à une forme — le caprice — profondément ancrée dans l’art et son histoire. De la photographie donc ou de son identité éminemment capricieuse.