ART | CRITIQUE

Nasseville

PClément Dirié
@12 Jan 2008

Trois œuvres disséminées dans le bâtiment : Dix de trèfle à la cafétéria, Escalator au rez-de-chaussée, et Nasseville au premier étage. Trois démarches différentes : le travail du mur, la vidéo et l’installation. Avec une économie de moyens, Pierre Ardouvin agit sur le comportement du visiteur.

C’est plus de positions que d’exposition dont il s’agit avec les œuvres de Pierre Ardouvin présentées au Palais de Tokyo. Positions du spectateur face à l’œuvre, positions de l’œuvre dans l’espace muséal, (pro)positions de l’artiste-médiateur face au public et au musée.

Les trois œuvres sont disséminées dans le Site de création contemporaine : Dix de trèfle à la cafétéria, Escalator au rez-de-chaussée, et Nasseville au premier étage. Chacune fait appel à une démarche différente : le travail du mur, la vidéo et l’installation tridimensionnelle. Chacune fonctionne de façon autonome.

Plus spécifiquement pour Dix de trèfle, une œuvre en kit vendue à la librairie dans la série Art Wall Sticker, qui permet à chacun de décorer son chez-soi avec les motifs et le dispositif créés par l’artiste. La série Art Wall Sticker rassemble des artistes comme Daniel Buren, Claude Closky, Bertrand Lavier ou Alain Séchas.
L’acheteur est alors le relais de l’entreprise créatrice, son médium et sa condition ou non d’effectuation.
À partir d’une carte à jouer ramassée dans la rue, Pierre Ardouvin a imaginé un papier-peint à motif unique répété. Un dix de trèfle, donc, dans lequel s’inscrit une image fantomatique et inquiétante. Le mur de papier-peint ainsi obtenu décore la cafétéria et s’immisce dans l’espace. La démarche artistique fait toile de fond.

Dans Escalator, c’est l’individu-consommateur qui endosse le rôle de toile de fond. La vidéo montre en boucle des images d’escalators croisés dans ce qui est probablement un centre commercial. Le cadrage ne permet de distinguer que des troncs humains et la rampe noire et métallique des escalators.
Ballet mécanique, vacuité hypnotique du temps qui passe sans que rien n’advienne, cette œuvre dit encore la répétition inéluctable et inquiétante. On tourne en rond, le consommateur comme l’escalator.

Le premier étage n’abrite qu’une œuvre : Nasseville, une installation spécialement créée pour cette première exposition personnelle à Paris.
Un chapiteau de filets tendus délimite un espace circulaire autour de la cage d’escalier. L’étage est réduit à un périmètre éclairé par des spots, à une nasse.
Nasse : engin de pêche, panier en osier, filet pour la capture des petits oiseaux ; ici, instrument d’enfermement du visiteur.
Tout dit la fermeture et l’hostilité : une lumière aveuglante, des couleurs froides, des matériaux bruts, un signe répétitif — la maille —, une musique industrielle et métallique.

Plus qu’un piège, Nasseville, piste de cirque à la Beckett, est une toile de fond qui crie sa fin de non-recevoir. Le visiteur est topographiquement invité à redescendre l’escalier et à quitter ce cul-de-sac. Avec une économie de moyens, Pierre Ardouvin arrive à influer sur le comportement du visiteur.

Pierre Ardouvin
— Nasseville, 2003. Installation. Filets et matériaux divers.
— Dix de trèfle, 2001. Édition de stickers sérigraphiés pour un mur de 15 mètres carrés.
— Escalator, 2003. Vidéo. 3’ en boucle.

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