ART | CRITIQUE

Myriam Mechita

PDamien Dellile
@12 Jan 2008

Le temps d’un songe, Myriam Mechita nous fait redécouvrir les vues urbaines de la Renaissance, des maquettes de navires de guerre et des figures animalières à l’usage détourné. Le tout formant un espace baroque proche de vanités contemporaines.

Un cerf de taxidermiste habillé de plaques d’aluminium poli est disposé sur une flaque de peinture noire séchée, qui provient de trous au mur formant un motif paysager. Cette même flaque mène à un château, composé de milliers de cartes à jouer disposées sur des armatures en bois de façon à dessiner des perspectives urbaines. De chaque côté de ce château sont disposées cinq maquettes de navires de guerre, faites en perles de verre. Tous ces éléments forment une allégorie à lire, un ensemble de représentations à interpréter, et un espace à penser.

Ces représentations sont traitées par soustraction ou par abstraction. Avec Retrouver le sol et se retourner, la sculpture en polyuréthane d’un cerf (une âme) reçoit un habillage ornemental. Elle se lie au château de cartes par la voie du rêve: est-ce le cerf qui songe à des châteaux médiévaux et à des jeux de hasard, tel une Alice au pays des restitutions ? Ou bien s’agit-il de représentations allégoriques destituées de leur charge symbolique et renouvelées par leur qualité plastique ?

La nouvelle peau métallique forme une matrice artificielle. La pose à la fois méticuleuse et systématique de cette peau renvoie au tramage des cartes à jouer et aux trous directement percés dans le mur.
Ces trous forment un décor pointilliste, issu des représentations de villes fortifiées des peintures de Fra Angelico. En face, les navires référencés selon leur origine (Le Cuirassé Voltaire, La Frégate Lafayette…) perdent leur puissance militaire au profit d’une préciosité fragile. Plus que de châteaux et de batailles navales, chaque objet révèle son origine, pour mieux faire éclater l’éphémère trame fictionnelle d’où il est extrait.

Les paysages allégoriques formés par ces pièces invitent à reconstituer des repères fictionnels et géographiques. Ils forment un tout, comme une composition baroque qui se jouerait des passages de sens, au bénéfice d’une théâtralité de la création et de la destruction.
En ce sens, Myriam Mechita reste au cœur de vanités contemporaines, à l’image du cerf dont il manque les bois et la boite crânienne. Passés l’identification et le savoir, que faut-il à la représentation pour faire sens et avoir une âme ?

English translation: Laura Hunt.

Myriam Mechita
— Le Cuirassé Voltaire, 2003. Perles de verre, fils de laiton.
— La Frégate Le Germinal, 2006. Perles de verre, fils de laiton.
— Retrouver le sol et se retourner, 2006. Sculpture en polyuréthane.

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