ART | CRITIQUE

More Silent Than Ever

PStéphane Lecomte
@12 Jan 2008

Nouvelle exposition de l’artiste slovaque à la galerie gb agency. Après «Talker» en 2003, Roman Ondak met en place «More Silent Than Ever». Est-ce véritablement «plus silencieux que jamais»?

À l’occasion de sa dernière exposition personnelle, Roman Ondak s’était mis dans la peau d’un conteur de récits et d’un passeur d’idées. Des dessins et maquettes avaient alors été réalisés par ces proches. Tout un jeu entre un artiste déléguant sa mémoire et son travail à des amis, et ces derniers qui lui échangeaient en retour une photo de leurs visages. Qui est l’artiste dans tout ça ?

Ici, les questionnements se poursuivent chez l’artiste. L’espace réel paraît être l’amorce d’un travail fictif. Comment représenter cette réalité ? C’était bien le cas dans Common Trip (2000). À présent, les pièces présentées à la galerie sont moins nombreuses qu’en 2003. L’artiste nous propose tout de même trois œuvres réunies sous le titre alléchant «More Silent Than Ever». Plus Silencieux que jamais.

The Stray Man est un dessin réalisé au crayon de papier, graphiquement très simple, représentant un homme en train de regarder à travers une vitre. Le but de ce dessin n’est pas de montrer des prouesses graphiques, mais bien d’introduire une performance qui aura lieu à la Kunsthaus de Graz. À cette occasion, un homme, invité par l’artiste, viendra chaque jour regarder par la fenêtre ce qui se passe à l’intérieur du centre d’art. Une frontière entre cet homme et l’art sera alors divulguée. Mais quelle est la véritable nature de cette frontière ? Est-ce l’homme qui a peur de rentrer dans ce centre, n’osant pas se confronter, préfère se conforter à l’extérieur pour regarder ce qui se passe à l’intérieur ? Ou est-ce une frontière due à ces centres d’art qui n’invitent pas les personnes à y rentrer, car trop peu chaleureux ? Car, pour certains, il est véritablement difficile de franchir le seuil d’un centre d’art. Il y a donc un véritable questionnement qui se poursuivra dès la réalisation de cette performance. On imagine déjà les futures réactions des autres passants ou personnes du centre d’art.

La deuxième pièce est une installation, Two Mars Stories. Elle est composée de quatre tables sur lesquelles divers éléments (coupures de journaux, de magazines, conversations, documents photographiques) sont mis en relation. Ils sont placés sous verre, comme pour nous en distancier. Les images d’archives prises par les robots américains Spirit et Opportunity étaient apparemment le point de départ d’un projet réalisé par l’artiste pour le Kunstverein de Cologne en 2004.
C’est ainsi qu’il avait réalisé un fragment du sol de Mars d’après les images diffusées partout dans le monde. Les tables mettent en jeu ainsi les répercutions de cette œuvre. Il y a bien deux histoires qui se confrontent, la réelle avec ces photos prises par les robots, et la fictive de l’artiste. Les deux paraissent dialoguer sous ces plaques de verres. Mais nous finissons par nous perdre entre la fiction et la réalité. Les deux histoires se mêlant parfaitement, nous sommes perdus. Qu’est-ce qui est véritablement réel ? Quelles sont les photos prises par les deux robots ? La réalité scientifique est alors confrontée à la fiction de l’artiste. L’artiste s’étant approprié ces photos pour faire sa sculpture. Celle-ci démontrant bien l’obsession humaine de tout conquérir, avec n’importe quels moyens technologiques.
Enfin, il y a cette pièce : More Silent Than Ever. Il s’agit de la deuxième salle de la galerie. La pièce est blanche éclairée par une douzaine de néons placés au plafond. Le Cartel nous indique un dispositif caché de mise sous surveillance. Ainsi, nous sommes en quête du moindre signe de ce dispositif. Existe t-il vraiment ? Le cartel fait l’œuvre. Comme souvent chez l’artiste, il y a une critique de la représentation de l’espace dans les institutions artistiques. L’œuvre est multiple. Il y a le véritable endroit, et son double. Tout le sens de l’œuvre est orchestré par le cartel.

Roman Ondak s’amuse donc à détourner une réalité. Qu’elle soit dans un musée, une galerie ou propre à une découverte scientifique, il met en place ses fictions véritablement informelles en nous invitant à observer notre propre imaginaire, ou plus largement notre conscience.

Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt

Roman Ondak :
— More Silent Than Ever, 2006. Salle avec un dispositif caché de mise sous écoute.
— Two Mars Stories, 2006. Bois, plastique transparent, dessins, découpages de journaux, magazines et livres.
— The Stray Man, 2006. Dessin.

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