ART

Moonraker

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Si le cadre fait l’œuvre, l’œuvre ne rentre pas forcément dans le cadre. Cette parabole lumineuse, qui parcourt l’œuvre graphique de Mrzyk et Moriceau. Si le cadre a la part belle ici, c’est pour mieux le rendre complice de son détournement.

A quoi peut bien penser un cadre avant d’être accroché aux cimaises des galeries d’art ? Quels sont les rêves qui le traversent, et avec lui, ceux qui transcendent l’œil de son spectateur ? C’est sur ces questions un brin métaphysique, sur ces énigmes scénographiques que le duo nantais a voulu porter son attention.

Sans exclure cependant le geste artistique. Car s’il est entendu que le cadre fait l’œuvre, l’œuvre ne rentre pas forcément dans le cadre. Cette parabole lumineuse, qui parcourt l’œuvre graphique de Mrzyk et Moriceau notamment à travers leurs dessins muraux, trouve un écho symbolique dans l’installation de la galerie Air de Paris. Si le cadre a la part belle ici, c’est pour mieux le rendre complice de son détournement.

Adossé contre le mur de l’entrée, un cadre vide au liseré noir et au fond blanc semble visiblement exténué. Jambes lourdes et bras ballants, il se prend à rêver d’une existence aux contours bien plus excitants. Accrochés au-dessus de lui, façon bulles de comics, d’autres cadres liseré noir fond blanc exorcisent ses phantasmes par le trait d’un dessin sec et précis, et concrétisent ses songes les plus pimentés.

Le cadre devient un roseau pensant : et là se bousculent tout un chapelet d’images sauvages, de révélations sataniques aux fables écologiques. Pêle-mêle, la brochette de femmes-mannequins prêtes à être avalée, le sexe-limace empoigné par la main experte d’une femme, le tronc d’arbre vengeur, la torche qui éclaire désespérément le cadre, et d’autres choses encore. Le rêve se poursuit au plafond de la galerie, lancé comme pourrait l’être une comète, avant d’achever sa course sur le mur d’en face.

Trajectoire sibylline, aussi sibylline que la profusion et le sens de toutes ces images. On y reconnaît le regard acerbe et le goût de la provocation d’un Robert Crumb ou d’un Willem. On reconnaît aussi la tentation surréaliste des vignettes d’un Pierre la Police ou d’un Glen Baxter. On traverse avec une grande liberté le paysage de la culture pop, celui du cinéma, de la publicité ou des jeux vidéos.
Mais il y a aussi et surtout, derrière le rire et ce ton joyeusement persifleur, la volonté de décrire le réel : Mrzyk et Moriceau traitent cette comédie du quotidien à la façon des fables médiévales, c’est-à-dire en glissant, subordonnée au rire et à la critique, une morale à l’histoire.

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