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Monika Brandmeier

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Monika Brandmeier en bonne praticienne de la photographie ausculte comme un médecin l’espace d’exposition. En bonne thérapeute elle dresse un diagnostic épuré de la sculpture. Chez elle, l’imagerie médicale laisse la place à une photographie héritée de l’art minimal. La chambre noire est la matrice qui permet à ses installations de se déployer sur les tirages argentiques et sur les parquets des galeries. 

Monika Brandmeier inaugure la rentrée chez Polaris. Durant la dernière saison, l’artiste allemande avait présenté quinze photographies qui fonctionnaient sur le principe de l’assemblage et du collage. Elle revient avec un travail axé sur le modèle photographique. Un triptyque et une sculpture sont les pièces majeures de l’exposition.

Intéressée par l’espace et le cadrage, Monika Brandmeier utilise tout naturellement son objectif comme un architecte le fait avec des courbes de niveau. L’appareil pose le cadre autant qu’il impose un décor. Le cordon (appelé bleu) qu’utilisent les maçons pour marquer les lignes directrices est ici remplacé par l’œilleton cyclopéen. Tout passe par cet œil de verre, par ce diaphragme qui s’ouvre et se ferme à la lumière. La vision, le champ investi, sont ici photographiques.

A partir d’une installation très minimale posée au sol, une palette de bois, deux-trois bouts de planches d’aggloméré, l’artiste sculpte sa photo à partir de son objectif.
Le triptyque accroché au mur est le résultat de trois vues différentes de la même sculpture. Aucune séduction dans cette composition, aucune fioriture non plus. Par sa composition et ses matériaux, cette pièce ressemble aux premiers travaux de Wurm qui a très vite décliné ses interventions sculpturales en pièce photographiques, comme le rappellent ses fameux One Minute Sculpture.

Le triptyque photographique en noir et blanc et la sculpture en laiton proposent un art minimal qui prend le parti de la discrétion et de la combinaison.
L’art de l’installation est revisité. Ne s’attachant ni ne s’attardant à aucun médium, Monika Brandmeier expérimente des propositions scéniques comme un docteur ausculte le corps d’un patient.
On peut faire de la médecine à « coup de marteau » comme le préconisait Nietzsche pour la philosophie, non pas pour tuer Dieu ou détruire les idoles, mais pour s’en servir comme d’un instrument de musique. Le philosophe s’en sert pour obtenir des sons, comme le font les marteaux d’un piano. Le chaos ou la destruction ne sont pas recherchés, seul la musique est requise.
Le marteau est aussi bien utilisé en musique comme instrument de percussion (piano, tambour, timbale, triangle) qu’en médecine pour tester les réactions motrices du patient; il est aussi utilisé en architecture et dans l’imaginaire symbolique de la franc-maçonnerie et du communisme.

Monika Brandmeier, imprégnée de son modèle photographique, agit par petites touches successives. Comme lors d’une consultation médicale, elle palpe les corps pour en découvrir les secrets.
Chez elle, ni maestria, ni théâtralité, elle applique le programme qu’elle s’est fixé. Elle le met en place et en scène. Les tirages sont aux sels d’argent, ce sont des sortes de radiographies obtenues après une séance au laser ou aux rayons X. Le corps du délit est l’espace d’exposition lui-même, elle ausculte les murs et le sol pour guider notre regard, mais surtout pour le perdre. Le cas n’est ni désespéré ni clinique, le corps du délit est scénique.

La palpation se fait à partir de l’espace d’exposition lui-même et d’une machine de vision. Le tirage sur papier fait partie du « champ élargi de la sculpture ». L’appareil pose le décor, il délimite l’espace de présentation de l’œuvre, à l’instar de la sculpture en laiton qui relie le plancher au plafond. Son côté tubulaire et télescopique rappelle le pied d’un appareil photo, autant qu’il évoque les attelles d’un malade. Comme un tuteur, il soutient un espace, mais comme un déambulatoire immobile il fixe la pièce dans une impasse, dans un cul de sac. Là encore, le médical, le photographique et le musical se rejoignent, encore une fois ces tubes encastrés évoquent les pistons coulissants d’un trombone, ou celui d’une longue vue. Machine de vision et boîte à musique se croisent dans cette racine métallique qui envahit la galerie autant qu’il la ferme.

Monika Brandmeier :
— Les pieds, 2004. C-print. 41 x 59 cm.
— Jointure, 2004. Laiton. 240 x 580 cm.
— Formatting Blick , 2004. Tirage aux sels d’argent. Triptyque, 118 x 144 cm ( chaque).
— Loeffel, 2004. Vidéo.

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