ART | CRITIQUE

Mon Repos

PMagali Lesauvage
@20 Août 2009

Installée en des lieux et dans des temporalités différentes, l’œuvre Mon Repos de Claude Lévêque pose la question de la pertinence de cette forme d’expression artistique qu’est l’installation, et de la résonance dans le paysage, rural ou urbain, d’une œuvre in situ.

A l’occasion du projet «Lost», proposé cet été 2007 aux Ateliers des Arques, dans le Lot, le petit village à flanc de collines s’est retrouvé investi par une poignée d’artistes contemporains, parmi lesquels Guillaume Leblon, Koo Jeong-A, Laurent Grasso ou encore Claude Lévêque. Les œuvres étant disséminées dans la ville ou les environs, le but était d’entamer un dialogue avec le paysage, ici rural, pittoresque, virginal.

Aux Arques, l’œuvre de Claude Lévêque, Mon Repos, se compose d’une camionnette (plus précisément une Peugeot DB30 de 1953), apparemment abandonnée, à moitié calcinée, éclairée de l’intérieur par un lustre étincelant, nichée au creux d’une minuscule clairière, au lieu-dit Trigodina. Entourant la camionnette, un chemin d’ampoules invite le spectateur à déambuler autour de l’objet comme autour d’une sainte relique, tandis qu’à l’arrière un assemblage de pare-brise d’automobiles forme une sorte de demi-sphère transparente.

A l’instar de l’œuvre récente de Claude Lévêque Le Crépuscule du Jaguar, visible également à l’été 2007 au centre d’art contemporain Le Lait, à Albi, Mon Repos est une œuvre in situ, proposant un cheminement initiatique, et où le travail, essentiel, sur la lumière déplace le contexte de l’œuvre du profane et du réel, au sacré et au magique. Objet du rebus industriel, la camionnette, insérée dans un cadre naturel, sorte de bois dormant, devient, grâce au lustre qui l’habille, un écrin précieux, et par le chemin illuminé qui y mène, un but initiatique, un objet sacré.

Lors de la Fiac, et en forme d’extension au stand de la galerie Kamel Mennour, on a pu voir une seconde version de Mon Repos, où l’installation in situ, au centre d’un bassin du jardin des Tuileries, prenait un tout autre sens. La cadre n’en est pas ici une nature vierge et enchanteresse, mais le contexte urbain du centre de Paris, lieu de concentration patrimoniale et culturelle, lieu de représentation par excellence, coincé entre l’ancienne demeure des rois de France et les Champs-Elysées, symbole d’un Paris de lumières et d’artifices. La camionnette (ici une Citroën), toujours habillée d’un lustre somptueux, semble surnager au-dessus de l’eau, tandis que des lanternes entourent le véhicule. Placé dans ce contexte, face à la grande roue de la place de la Concorde, l’œuvre de Claude Lévêque paraît par opposition comme un rappel de l’ancien face au neuf, du passé face au présent, ou encore de l’authentique, face à l’artificiel. Ainsi ces deux lieux permettent deux interprétations d’une même œuvre, et démontrent l’importance chez Claude Lévêque du rapport à l’histoire, à la culture, par opposition à la nature, lieu du sacré et du magique.

Claude Lévêque
— Mon Repos aux Arques. Installation in situ, lieu-dit Trigodina,
Les Arques (Lot). 2007 Lost Ateliers des Arques.
Peugeot DB 30 de 1953, lustre, pare-brise d’automobiles, cheminement d’ampoules.
— Mon Repos aux Tuileries. Installation in situ Jardin des Tuileries.
Fiac, galerie Kamel Mennour. Tube Citroën, lustre, lanternes carrées.

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