ART | CRITIQUE

Moments suspendus

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Le quotidien familial est une source d’inspiration primordiale, sinon unique, pour Daniel Clarke. Avec tendresse, il saisit les activités de sa femme et de ses enfants afin de donner corps à l’imagerie du bonheur.

Ce sont des scènes paisibles, des personnages heureux baignés dans le calme de leur vie familiale. On se déguise, on s’amuse, on va à la plage. Les sujets sont essentiellement autobiographiques et s’attachent à révéler ce que le quotidien peut receler de féerique. Daniel Clarke synthétise la portée des œuvres présentées en la déclaration suivante: «Cet ensemble d’œuvres reflète ce que signifie pour moi l’enfance en tant que concept qu’il s’agisse d’un mythe ou d’une réalité».
Au sein de la figuration artistique, certains sujets sont chatouilleux et l’artiste en a choisi un qui l’est particulièrement: les enfants. En effet, leur représentation conduit généralement vers la mièvrerie et provoque la plupart du temps un attendrissement niais. Mais Daniel Clarke parvient avec un certain succès à gommer cet aspect-là et à contourner la facilité.

Même si l’on conçoit que ce roman familial dont il immortalise avec ferveur chaque épisode, aussi insignifiant soit-il, peut basculer d’un moment à l’autre, aucun indice ne semble annoncer l’approche de la tempête. La vie paraît figée, le temps arrêté. Et une des raisons pour lesquelles le travail de Daniel Clarke évite de sombrer dans la niaiserie est la nostalgie émanant des ses toiles. L’artiste s’acharnerait à graver chaque instant dans sa mémoire pour constituer une sorte d’herbier de souvenirs sous la menace d’un avenir qui ne sera peut-être plus aussi radieux.

Pour ce faire, Daniel Clarke manie aussi bien l’huile ou l’acrylique, que l’aquarelle ou le fusain. Parallèlement aux peintures et aux dessins, il s’est attelé dernièrement à la sculpture du bois. Il en résulte des silhouettes d’enfants et d’adultes qui paraissent tout juste émerger de la matière, piégés entre rigidité et mouvement.

Le travail de l’artiste est également l’occasion de s’interroger sur un phénomène qui dépasse le cadre de son œuvre, à savoir le bonheur et sa représentation par les artistes contemporains. Selon Richard Leydier «Clarke représente le bonheur, curieusement un sujet peu exploité de nos jours». Mais le bonheur, peut-il constituer un véritable sujet ou cette notion-là n’est-elle pas trop subjective et trop vaste pour n’en formuler ne serait-ce qu’une définition? Et par conséquent peut-on vraiment reprocher aux artistes contemporains de ne pas se pencher assez sur ce sujet? Pour qu’une œuvre puisse être collectivement reconnue comme étant une représentation du bonheur, ne faut-il pas qu’elle invoque clichés et stéréotypes?
Le travail de Daniel Clarke ne serait finalement pas aussi pertinent que l’on puisse croire. Il en émergerait plutôt une idée de ce qu’est le bonheur. Une idée préconçue, voire obsolète, d’un bonheur nécessairement familial dans lequel se refléteraient presque des devises comme «Travail, Famille, Patrie».

Daniel Clarke
— New Sockets, 2006. Aquarelle, acrylique, pastel et sable sur papier. 107 x 76 cm.
— Santa Claus, 2006. Aquarelle, acrylique, casein, pastel et fusain sur papier. 95, 5 x 73 cm.
— Glittereyed, 2005. Techniques mixtes sur papier glue et bois. 101 x 122 cm.
— Curves are Beauty, Shapely Goldesses, 2006. Pastel sur laine. 100 x 94 cm.
— Angel, 2006. Aquarelle, acrylique, pastel et fusain sur papier. 95,5 x 73 cm.

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