ART | CRITIQUE

Miss Van

PFrédéric-Charles Baitinger
@12 Jan 2008

Sur le chemin qui la conduit vers elle-même, Miss Van semble être à un tournant : de ses petites miss rondelettes et sexy, cherchant des yeux son spectateur, elle n’a gardé que la forme — séduisante et lascive. Mais dans le fond, la volonté de séduire les a quitté. En devenant célèbre, Miss Van s’est ouverte à la pudeur — en même temps que se sont fermés les yeux de ses poupées.

En quittant les murs de la ville et leur exhibitionnisme forcé, Miss Van se replie lentement sur une part plus secrète de sa féminité. Loin des costumes à paillettes, des petites robes et culottes allusives, la miss laisse maintenant grimper sur son corps un cocon de cheveux. Depuis le haut de son crâne, jusqu’à la pointe de ses pieds, sa chevelure l’enserre tout autant qu’elle la voile – formant comme un nÅ“ud coulant autour de son cou.

Mais ce n’est pas Miss Van qui s’étouffe, mais seulement l’enfant qu’elle fut — effrontée et séductrice — parcourant les rues à la recherche d’un spot pour se faire voir. Elle savait alors se montrer sans ciller à l’œil anonyme d’un passant. Mais maintenant que les gens viennent à elle sans efforts, son luxe n’est plus d’être vue, mais d’échapper comme elle le peut aux regards impatients qui la guettent.

Sur sa tête repose la ruse morte du renard, ornée de cornes et d’oreilles attentives. On dirait qu’elle revient d’un bal costumé, ou bien peut-être d’une cérémonie secrète. Miss Van la prêtresse, Miss Van la pythie. Son image oscille entre la figure d’une ménade revenant des bacchanales et celle d’une princesse pleurant le départ de son prince.
Arborant fièrement les attributs de la nature — elle semble s’avancer d’un pas ferme vers des régions mystérieuses où nous ne pouvons la suivre. Mais dans le même temps, ses yeux trempés de rimmel et du rouge à lèvre coulant sur ses joues, elle nous rappelle la position fragile qui est la sienne ; sans cesse menacée de se faire dévorer vivante par son public.

Pour s’approcher d’elle sans la déflorer ce sera dorénavant au spectateur de faire la démarche de soulever le drap qui la masque. Prenant le contrepoint de ses années de jeunesse, Miss Van s’est retirée au fond d’un isoloir où elle attend patiemment, telle une idole païenne, de répondre par énigmes aux questions des hommes et des femmes venus la voir.

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