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Miss.Tic

Avec les années hip-hop, l’art mural en général et celui du pochoir en particulier ont connu un renouveau qui s’est traduit par le meilleur (Above, ADR, Amour, André, Aouw, L’Atlas, Bansky, Le Bateleur, Blek, Bounty, C215, El Gonzo, Hao, Jef Aerosol, Jérôme Mesnager, Mosko et associés, Nice Art, Obey, Parapluie, Sam Bern, La Sorcière, Space Invader, Speedy Graphito, Spizz, Zevs, Zino, etc.) comme par le pire (vandalisme, dégradation et pollution visuelle en tous sens).

C’est dans les années 80 que sont apparues sur les murs de certains quartiers populaires parisiens les images en noir et blanc de la pionnière Miss.Tic. Le pseudonyme de la jeune parigote dont les débuts poissards font penser à ceux de la môme Piaf (ou à ceux de l’autre Miss, originaire d’Enghien-les-Bains : Mistinguett), un calembour facile, a pour origine le nom d’un personnage de Disney dans la bande dessinée Picsou.

Ses pochoirs de Miss.Tic sont reconnaissables entre tous. Parfois, les formats et les techniques diffèrent, mais les motifs sont maintenant fixés, un peu toujours les mêmes : des pin-up brunes auxquelles l’artiste s’est à coup sûr identifiée. Un bref texte, façon Ben, un aphorisme, un vers, un jeu de mot plus ou moins bon, une légende du dessin, sert de titre ou de commentaire à l’œuvre. Sans oublier, la signature de l’artiste : Miss.Tic (miss point tic).

L’exposition de l’avenue de Messine décline deux séries bien distinctes: l’une, assez BCBG, qui a été popularisée par les affiches 4 x 3 du film de Chabrol La Fille coupée en deux, à base d’acrylique noire sur fonds gris et roses, l’autre, un peu plus sale et bien plus intéressante, esthétiquement parlant, sur plaques de tôle rouillées (certaines d’elles rivetées ou boulonnées), contrecollées sur bois, avec des motifs jaunes sur fond doré, ocre, oxydé, qui rappellent les «Piss Paintings» d’Andy Warhol.

Pour ce qui est des textes, en voici quelques uns. Sans aucune fonction pédagogique ou informative (type : «Défense d’afficher, loi de 1901»), sans aucun but politique («Interdit d’interdire»), mais dotés d’une valeur purement esthétique (une signalétique propre à l’artiste), relevant la plupart du temps d’un romantisme de jeune gavroche et d’un naturalisme poétique de midinette :
«Après des histoires à dormir debout, des histoires à coucher dehors. J’aime les hommes avec étonnement. L’homme est le passé de la femme. Permis de se reconstruire. J’ai tant aimé rêver. De père en pire. Apprendre à prendre. Le dit peut nous dépêtrer de l’Œdipe. Je joue avec le feu sacré. Je crois en l’éternel féminin. Amoureuse pratiquante. Go homme. Un remède à l’amour aimer encore. Passez-moi l’expression. Mieux que rien c’est pas assez. Des rêves d’anges heureux. Fais de moi ce que je veux. Femme de l’être. Silence on détourne. Pour des ébats participatifs. Dans quel état j’erre. Je t’aime profond dément. Cueillir l’éros de la vie. La fille coupée en deux. Je ne croyais à rien mais je n’y crois plus. Trouver du rose dans le morose. Qui est qui libre. Je suis dans la Lune ne la décrochez pas. Armée jusqu’aux dentelles. C’est la vie ça va passer. Mon amour tu me prends pour une autre. Tu es là à m’épier. Parisiennes les femmes capitales».

L’héroïne des murs de Paris (ceux du XIIIe en particulier) accueille le visiteur de la galerie Guillon-Laffaille (VIIIe arrondissement) en lui faisant du teasing en vitrine ou plutôt en vitrail, ce dès l’entrée. Avec, en très grosses lettres, pour une fois, et au-dessus du dessin, le nom de l’artiste. Sans aucun autre thème particulier.
Au rez-de-chaussée, des toiles aux dimensions modestes de la série chabrolienne. En étage, la suite de cette série, avec de plus grands formats, ainsi que celle qui nous a enchantés, que nous qualifions, pour aller vite, de jaune sur jaune, avec des taches pointillistes de vaporisations ayant laissé une certaine aura autour de la découpe nette et précise de la fameuse starlette, le tout sur plaques de tôle dorées et patinées, faisant povera comme il se doit.

L’art de Miss.Tic, art de la reproduction, certes, mais à l’échelle artisanale, est (très) appliqué. Dans tous les sens du terme. Il rejoint celui des BD. Est assez proche de l’esthétique des maîtres d’un genre considéré comme mineur. En particulier des virtuoses de l’encre de Chine, des spécialistes de l’aplat, qui vont de Milton Caniff à Guido Crepax. Le lettrage de l’artiste est unique : ses inscriptions sont lisibles d’assez loin, pochées et ombrées en lettres majuscules, fines et de plus en plus aiguisées. Elles ont parfois nécessité deux couches de peinture.
L’imagerie est celle des magazines de mode. Sauf que toutes ces filles n’en font qu’une, idéelle ou idéale, une jolie brune en robe sexy Agnès B., toujours décolletée, portant des cheveux très longs et en ordre de bataille. Prête à en découdre, la Miss. 

Miss.Tic
— Sans titre. Encre sur toile. 130 x 97 cm
— Sans titre. Encre sur toile. 92 x 73 cm
— Sans titre. Encre, aérosol sur tôle. 1 x 1 m
— Sans titre. Encre, aérosol sur tôle. 1 x 1 m