PHOTO

Mirages à demeure

PEmma Crayssac
@20 Fév 2009

L’exposition personnelle de Cécile Hartmann au Centre Photographique d’Ile-de-France fait pénétrer le visiteur dans un univers où le temps semble suspendu avant d’osciller à nouveau entre une réalité contemporaine et une fiction utopique.  

L’exposition de Cécile Hartmann, qui a pour cadre Dubaï, oscille entre un contact presque brut avec la terre, et une évocation plus métaphorique des bouleversements climatiques, écologiques et idéologiques.
Déjà sa précédente exposition «Microclimat» (CCC de Tours, 2008) traitait de la  globalisation économique et des zones d’instabilité climatique.

L’exposition s’ouvre sur un wall painting présentant une série de peintures en tondo, Planet, qui fonctionne comme un prologue aux œuvres photographiques. C’est une constellation monochrome aux surfaces rugueuses, composées de bitume, d’acrylique et de poudre de cuivre.
Il est question de l’indétermination du monde, de l’univers en perpétuelle mouvance, en constante évolution. Il y va de la fragilité de nos certitudes et savoirs, de la réalité, y compris scientifique, perpétuellement changeante qui nous échappe. Au point que Pluton, que l’on croyait être une planète, est maintenant considéré comme un satellite de Jupiter…

La réflexion se précise dans une seconde salle où une douzaine de photographies prises à Dubaï sont présentées en binôme sans pour autant constituer toutes des diptyques. La globalisation et l’action humaine sur l’environnement hésitent entre destruction et moment de grâce, entre force et vulnérabilité du paysage.  

Comme dans un mirage, l’illusion semble se superposer au réel. Parfois même une chimère surgit de la réalité, à l’exemple de ce daim au milieu désert dans Résident. Cécile Hartmann soumet pour cela ses photographies à l’action de la retouche, non pas pour obtenir une image fantasmagorique, mais pour rendre picturale sa composition avec des jeux de tonalités.

Les références à la peinture sont multiples dans les travaux de Cécile Hartmann. Une esthétique de la ruine, du paysage désolé, la rapproche de la peinture romantique. La présence humaine, presque anecdotique, est toujours cernée par deux univers antithétiques, l’urbanisme étouffant de Dubaï et les vastes étendues désertiques ou aquatiques.
 
La question séculaire de la place de l’homme dans son environnement prend un tour nouveau avec la mondialisation, les désastres écologiques et les affrontements idéologiques d’aujourd’hui.
Le terrorisme est évoqué dans des photographies comme Survivor présentée dans une petite salle à part. Un homme mort est face contre terre en référence au 11 Septembre où de nombreuses personnes se sont jetées dans le vide sans que l’on ne retrouve jamais un corps à terre. Le format allongé (unique dans l’exposition) ainsi que l’accrochage dans un espace spécifique, visent à donner à l’œuvre un caractère sacré, proche de la peinture religieuse.
Cécile Hartmann mêle ainsi des références politiques et contemporaines à des référents plastiques plus classiques.

La confrontation physique joue un rôle important dans le travail de Cécile Hartmann qui éprouve intensément le besoin d’être en prise directe avec la réalité. Le choix de Dubaï s’explique ainsi par le fait que là se manifestent de façon aiguë les effets de la mondialisation, au sens écologique autant qu’idéologique.

Le réel qu’elle affronte, Cécile Hartmann confie à ses images le soin de le transmettre, de faire éprouver au spectateur une sensation presque physique avec la terre où les cratères poudreux de Planet font écho au grain des tirages pigmentaires des photographies et pour se poser lui aussi la question du devenir du monde dans lequel il vit.

Cecile Hartmann
— Deserter, 2008. Photographie couleur
— Walker, 2008. Photographie couleur
— Ground, 2008. Photographie couleur
— Tower, 2008. Photographie couleur 

AUTRES EVENEMENTS PHOTO