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Michel Gholam et Wolfgang Prinz

18 Mar - 01 Mai 2004

Le couple d’artiste berlinois réalise un travail conceptuel sur le geste et la pose. Les mouvements de leurs corps sont figés par l’appareil photo et les deux corps accolés deviennent des sculptures photographiées. Un rapprochement entre la chorégraphie et les arts plastiques.

Communiqué de presse
Michel Gholam et Wolfgang Prinz
Michel Gholam et Wolfgang Prinz

Nathalie Petitjean: «Pourquoi avoir choisi la photographie comme médium de votre travail en commun?
Prinz Gholam: Il ne s’agit pas d’un choix. L’appareil photo a toujours accompagné nos travaux respectifs.

Vous avez dit de vos images qu’elles sont réalisées «à l’aveugle» car vous vous trouvez tous les deux devant l’objectif pendant la prise de vue. Comment s’organisent concrètement vos prises de vue et que recouvre ce procédé?
Notre inconscient s’exprime dans la mesure où nos corps ne peuvent pas ne pas s’entrecroiser. Notre regard est face au vide. Chacun semble être absorbé dans sa propre sphère. Les corps s’ajustent presque méthodiquement l’un à l’autre, alors que l’acte de poser n’est pas un choix conscient, nous ne pouvons pas ne pas le faire. C’est uniquement en considérant/traitant nos corps comme un matériau neutre que nous pouvons représenter une pose comme la combinaison de deux corps. Parfois, nous nous poussons l’un l’autre et faisons en sorte que les extrémités de nos corps entrent dans le cadre de la photographie. Ainsi, le «puzzle» que nous avions imaginé ne fonctionne pas et nous contraignons la forme. C’est pourquoi il apparaît que ressentir une position n’a rien à voir avec la manière dont on la perçoit sur une image.

Prenez-vous beaucoup de photographies et comment éditez-vous celles qui sont retenues ?
Nous prenons plusieurs images, mais pas trop. Cela dépend du moment. Pendant le travail, nous arrivons à un point où nous avons l’impression que nous avons tout «dit», alors nous nous arrêtons.
Concernant le choix des images retenues, le processus prend parfois très longtemps. Il y a des images, comme «Couple dans une chambre» par exemple, que nous avons découvertes un an après la prise de vue. La question est toujours: de quoi sommes-nous conscients?

Quels sont vos liens avec le thème du tableau vivant en photographie, et plus particulièrement avec Julia Margaret Cameron?
Nous nous sommes intéressés à ces travaux après avoir commencé notre propre travail photographique. A l’origine, ça n’était absolument pas présent.

Certaines de vos images sont directement inspirées d’œuvres célèbres de l’histoire de l’art (Les Demoiselles des bords de Seine de Courbet, L’esprit des morts veille de Gauguin). Comment sélectionnez-vous ces «œuvres références»?
En réalité, il ne s’agit pas d’un choix a priori. Cela dépend de l’évolution de notre travail, où les images que nous prenons nous mènent, quelles caractéristiques et problématiques apparaissent. Notre objet n’est jamais spécifique, mais général, ce qui signifie que de nombreux sujets secondaires (non visibles dans un premier temps) nous intéressent dans l’œuvre de référence. La plupart du temps, nous avançons d’une source à l’autre en travaillant. Par exemple, «Diane et Calixte» [d’après Klossowski] nous a conduit à l’œuvre de Courbet et au thème de l’absorption de soi.

Quelle importance possèdent les lieux, les objets, les vêtements (la plupart du temps unis) que vous utilisez dans vos images?
Une très grande importance puisque nous essayons aussi de créer un équilibre entre création et situation existante. L’environnement est à la fois familier et porte les caractéristiques de notre matériau de base. Les vêtements, qui, comme vous le dites, sont «unis», doivent fonctionner comme des éléments picturaux et définir le caractère de l’image. Il y a toujours des limites à ce que l’on peut faire. Ces limites sont pour nous très importantes. Les vêtements unis, l’environnement identique, les mêmes visages, les mêmes corps : nous croyons presque religieusement à ces invariants. Seulement alors nous avons le sentiment que le résultat obtenu est dégagé du procédé de fabrication.

Dans La Chambre claire, Roland Barthes distingue photographie et peinture par le «ça a été». À l’instant de la prise de vue, ce qui est reproduit par la photographie a existé, a été réel, a été là. Est-ce la fusion de deux corps d’hommes qui constitue le «ça a été» de vos images, les relations qui unissent ces deux hommes? Quelle est l’importance de cette idée de «sentiments» dans vos photographies?
Cette question est très intéressante et nous souhaitons la rapprocher de celle qui concerne J.M. Cameron: les Cameron (Julia Margaret et son mari) pensaient que le high art suppose un sujet noble, traité de noble manière, sollicitant nos sentiments les meilleurs et les plus respectueux, faisant appel à notre générosité, notre tendresse ou nous prédisposant à la réflexion. Ainsi, nous sommes deux, nous travaillons ensemble et cela est visible dans nos images. Notre travail reflète notre collaboration et notre vie en symbiose.

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