DANSE | SPECTACLE

Extradanse | We were the future

26 Mar - 26 Mar 2019

Trio chorégraphique, We were the future de la chorégraphe et danseuse Meytal Blanaru explore les mécanismes de la mémoire corporelle. Pièce sensible, geste par geste les trois danseurs y déconstruisent les limites de leurs automatismes, pour mieux laisser surgir du différent, de l'étonnant.

Plonger dans We were the future (2018) de la chorégraphe israélienne Meytal Blanaru, c’est accepter une aventure aux limites. Pas d’éclat ni d’esclandre : les limites les plus solides sont parfois étouffées. Trio chorégraphique, la pièce creuse l’infra-mince. Scène dépouillée, ambient électro par nappes de plus en plus en plus enveloppantes, comme un brouillard s’intensifiant… De l’immobilité naît alors la mise en mouvement. Avec des gestes millimétrés, étonnants, à contrecourant d’eux-mêmes. En amont de la pièce, il y a au moins deux grands axes. Une histoire — celle de Meytal Blanaru —, et une réalité psychomotrice — celle des connexions synaptiques. Côté histoire, Meytal Blanaru explique avoir grandi dans un kibboutz. Une vie communautaire où les enfants restaient toujours entre eux, hormis quatre heures par jour, de 16 à 20 heures : un laps de temps alors passé en compagnie des parents et adultes. Avant de retourner dormir dans la maison des enfants.

We were the future de Meytal Blanaru : la mécanique de l’oubli, par la danse

De ces souvenirs d’enfance, Meytal Blanaru garde ainsi deux versants. Les jours brillants, nappés d’herbe verte et de cris joyeux, côté pile. Des nuits silencieuses et solitaires, côté face. Racontant cette mémoire sans sommeil, Meytal Blanaru dit : « tu vis sur ta petite portion de terre, seule, dans une île appelée kibboutz, dans un vide en guise de pays ». Souvenir de suffocation, à déambuler dans un espace obscur, plein d’enfants mortellement inconscients — endormis. À imaginer ses parents quelque part, à l’autre bout du kibboutz. Et tous les nouveaux matins venant effacer toutes ces nuits passées, dans une longue boucle appelée enfance. Le deuxième axe de la performance est celui de la déconstruction. Avec la méthode Feldenkrais. Soit une méthode d’entraînement et reconditionnement neuromoteurs. Si la mémoire existe sous forme de connexions synaptiques, et si chaque remémoration implique son lot de modifications, alors rien n’empêche de se reconfigurer soi-même.

Déconstruire les réponses corporelles conditionnées : un acte chorégraphique

Pièce pour trois danseurs — Meytal Blanaru, Ido Batash, Gabriela Ceceña — et un musicien — Benjamin Sauzereau —, We were the future [nous étions le futur] s’appuie sur un processus de désapprentissage-apprentissage. Une recherche murie pendant neuf ans, se nourrissant de la méthode Feldenkrais. Par le développement d’une attention aiguë à chaque texture de geste. Si la mémoire conditionne réflexes et automatismes, les modifier requiert de développer une conscience précise de leurs articulations. Pour détricoter les réponses conditionnées, tout en s’offrant la possibilité d’en apprendre d’autres. Pièce concentrée sur le déblocage des verrous, avec We were the future, trois danseurs montrent ainsi comment aller aux limites de soi. Comment grignoter ces limites. Pas de psychanalyse, pas d’autopsie mentale : seulement des gestes effectués avec le plus grand soin. Dans un monde où l’urgence favorise la répétition des réflexes conditionnés, We were the future libère plutôt de la place pour l’étonnement par le corps.

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