DESIGN | CRITIQUE

Metals

PMarine Drouin
@29 Avr 2010

La Tools met le métal à l’honneur... et au pluriel, expérimenté par six designers pour ses qualités réfléchissantes ou opaques, massives ou de souplesse. Un ensemble qui fait vaciller son image hostile et froide: pour un usage domestique, il devient membrane gonflée, peau capitonnée, luminaires intimistes ou les formes usinées de notre imaginaire collectif.

Le métal est omniprésent. Pour sa résistance et sa plasticité, on l’érige en souvenir de la modernité, héros de la révolution industrielle. Les designers sollicités par la Tools Galerie lui rendent hommage tout en explorant ses possibilités inédites. Et malgré l’existence concrète de leurs pièces, c’est la part d’immatériel présente en chacune d’elles qui manifeste ses qualités ancestrales ou fascinantes.

Aussi le Money Vase de Chris Kabel, en porcelaine incrustée de pièces de monnaie, montre-t-il autant la concrétion du matériau que sa valeur immatérielle: la somme des pièces utilisées pour son ornement est équivalente au coût du vase. Cette agglomération inspire à la fois l’allure d’un objet archéologique et le questionnement contemporain du marché, rappelant la matérialité initiale des devises.

Même ambivalence pour Assa, Mata et Fide du collectif Llot Llov, trois vases aux faux airs de pièces d’échec et aux silhouettes de volumes industriels. Les designers se sont inspirés de négatifs issus des archives d’une usine. Entre deux échelles, ces vases en aluminium et en cuivre aux couleurs laiteuses composent une énigme domestique. Leur allure brute et précieuse en appelle à une certaine nostalgie, une émotion industrielle.

Les luminaires de Nathalie Dewez ont aussi une présence affective. Ces séries d’appliques aux subtils dégradés de couleurs dissolvent la lumière des néons en une atmosphère presque magique. Ils prennent des tons d’éclairage variables selon la teinte de leur écrin en aluminium.

Plus massif et non moins raffiné, Delicious de Mathieu Lehanneur est un système de rangement modulable composé de quatre tailles de caissons dont les portes sont invisibles une fois fermées. Elémentaire, il a l’élégance des lignes architecturales et la façade irisée des malles luxueuses. Sa fabrication emprunte aux tôles matelassées des stands de hot-dogs… tout en séduction: à la délicatesse de ses ouvertures succède le contraste sensuel entre les tons froids de son revêtement et la chaleur intimiste de ses cavités en bambou huilé.

Toni Grilo utilise également le métal pour multiplier les perspectives ou perturber les échelles. Son miroir Emoi et moi est une feuille d’acier poli semblable à un papier déplié en quatre au regard. Chacun de ses carrés réfléchit un point de vue différent, ouvrant sur un espace complexe que la relation secrète au miroir semble contenir en un mouchoir de poche. Quant à son fauteuil Bibendum, monument au pneumatique, ses boudins polis invitent au confort et reflètent son environnement: Toni Grilo aime le présenter sur fond d’un quai lumineux où l’industrie se repose.

Les Chippensteel Chairs d’Oskar Zieta sont de véritables athlètes du mobilier, nées des inventions d’un designer du métal en quête de légèreté. Deux plaques sont découpées selon un gabarit et soudées ensemble. Après injection d’air chaud, une forme en trois dimensions apparaît tout en apesanteur. Des chaises présentées ici, il ne reste plus qu’une peau, capitonnée par endroits: la formule minimale de leur volume.

La présence fantomatique de la Mesh Chair de Chris Kabel sème aussi la confusion entre le corps de l’usager et celui du siège, fait de grillage plié en angles arrondis. Entre la raideur du matériau et l’aération de la masse obtenue, le designer propose un objet qu’on dirait simulé… mais susceptible de laisser sur votre chair l’empreinte de ses croisillons.

La plasticité du métal permet aux designers de semer le trouble selon les intuitions qu’il leur inspire. S’il est toujours question d’allier en lui solidité et malléabilité, les designers semblent aujourd’hui lancer le défi de sa délicatesse, attirés par sa possible légèreté : des feuilles miroitantes et aérées pour la peau changeante d’un mobilier entre le domestique et l’urbain, intime et nomade.

Toni Grilo
— Bibendum, 2009. Fauteuil. Tubes en acier tourné, soudé et poli, 110 x  82  x  70 cm.
Nathalie Dewez
— TL Wall Lamp,  2009. Triptyque lumineux. Métal plié, peinture époxy et tubes fluorescents. 119   x 12  x  7,5 cm.
Chris Kabel
— Mesh Chair, 2005. Chaise. Métal et peinture époxy. 65  x  45  x  65 cm.
— Money Vase, 2006. Vase. Pièces et porcelaine noire mat. 21  x  32 cm.
Mathieu Lehanneur
— Delicious, 2010. 4 modules de rangement. Métal plié, laminage à froid, intérieur en bambou huilé, vernis naturel, transparent vert, bleu ou tabac, XS, S, M ou L.

— Assa, Mata et Fide, Llot Llov, 2009. Vases. Aluminium et peinture époxy.
Courtesy Tools Galerie, DR

— Chippensteel chair, Oskar Zieta, 2008. Chaise. Inox ou métal brut vernis. 78 x 40 x 45.2 x 30.7 x 15.7 x 17.8 cm. Courtesy Tools Galerie, DR

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