DANSE | SPECTACLE

Les Hivernales | i-clit

14 Fév - 14 Fév 2019

Avec i-clit, la chorégraphe et danseuse Mercedes Dassy livre un solo engagé sur le désir féminin. Un acte de propriété revendiquée, où le corps s'assume en soi et pour soi. Tout en interrogeant, par la danse, les nouveaux féminismes : leurs ambivalences, leurs faiblesses, leurs forces.

Au lendemain de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (6 février 2019), un constat demeure : le corps féminin fait encore trop souvent l’objet de violences ciblées. Cet état de fait fonctionne avec une autre dynamique, plus globale : celle du féminisme. Née en 1990, la chorégraphe et danseuse belge Mercedes Dassy s’empare de la question pour en relancer les dés. Avec i-clit, elle livre un solo vigoureux et sensuel où la question du corps féminin occupe une place centrale. Si le respect (et le décret) des droits des femmes ne semblent pas toujours être en voie d’amélioration, à l’échelle locale comme globale, Mercedes Dassy livre un constat autre. Un constat optimiste, où le féminisme est omniprésent. Avec une génération de femmes (la sienne) beaucoup plus mobilisées et sensibilisées à ces questions.

i-clit de Mercedes Dassy : le féminisme et la sensualité, au féminin singulier

Partant du principe que ce féminisme est ultra-connecté, ultra-sexualisé, ultra-médiatisé, Mercedes Dassy en dresse un portrait chorégraphique musclé. Avec i-clit, elle en interroge les formes actuelles, au fil d’une performance où l’objet sexuel revendique son statut de sujet. Pour une réappropriation du corps en soi et pour soi, et non pour servir quelque autre intérêt. Sauf, peut-être, celui de l’art. Mise en scène de soi, i-clit joue avec les attributs du désir. Livrant une sorte d’Aphrodite guerrière, de Venus à la fourrure prolixe et survoltée. Se situant ainsi sur la ligne, aussi ténue qu’ambiguë, qui sépare instrumentalisation de la sexualité féminine et ode au plaisir — autant féminin que masculin. Et dénonçant l’utilisation du corps et de la sexualité des femmes comme monnaie d’échange, Mercedes Dassy demande : « Quand est-ce que l’effacement des barrières entre privé et public est efficace ou, au contraire, porte préjudice ? »

Objectification et réappropriation du désir : ambivalence des féminismes actuels

Solo interprété à la première personne du singulier, i-clit scrute aussi les limites de l’auto-réification. Tout en adoptant le ton d’un manifeste démystifiant le sexe féminin, ses chairs et ses fluides. Des éléments trop souvent exploités ou censurés, comme le note Mercedes Dassy. Célébration du corps féminin par une femme, le titre fait probablement référence à un organe important dans l’anatomie féminine : le clitoris. « Quand et selon qui un organe sexuel est-il considéré comme provocateur ? » Que le mot suscite le rire, la gène, ou l’effroi, le clitoris n’en reste pas moins une réalité anatomique concrète. Face à ce constat de plus en plus partagé, Mercedes Dassy n’a pas tort de souligner la popularisation du féminisme. Mais esquivant la naïveté, i-clit interroge également l’effet de mode de ce féminisme vulgarisé, voire transformé en élément de marketing. Pour une pièce énergique, en somme, qui prend le risque de la polémique.

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