DANSE | SPECTACLE

Livraisons d’été | Noir M1

04 Juin - 06 Juin 2019

Pièce maudite, teintée du sang des destinées broyées par la folie des engrenages aveugles, Macbeth ne cesse de fasciner. Avec Noir M1, Mélissa Von Vépy lui rend hommage par le cirque et la voltige. Une façon aérienne, décadrée et poétique d'amadouer les Parques et autres Furies.

« La vie n’est qu’une ombre errante ; un pauvre acteur qui se pavane et s’agite une heure sur la scène, et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. » Existe-t-il jugement plus définitif que cette tirade du Macbeth de William Shakespeare, quelle que soit la langue qui l’exprime ? Avec Noir M1 (2018), la circassienne Mélissa Von Vépy (Cie Happés) rend hommage à ce pilier de la culture européenne qu’est Macbeth. Beaucoup d’ombres et d’encre auront coulé dans la fissure ouverte par cette tragédie, parue en même temps (vers 1600) que le Don Quichotte de Miguel de Cervantes. Il doit y avoir des époques propices au doute. Puissance magnétique des gouffres pleins de folie et d’absurde, pour autant, c’est par la voltige que Mélissa Von Vépy plonge, ou s’envole, dans l’envers du décor.

Noir M1 de Mélissa Von Vépy : un hommage aérien au Macbeth de William Shakespeare

Dans le domaine des arts de la scène, tout ce qui doit rester invisible aux publics est plongé dans le noir. Dans la boîte noire du hors-champ. Et les matériaux impliqués dans cette fabrique du visible doivent être répertoriés en fonction de leurs propriétés inflammables. Le classement M explicite ainsi les capacités de chaque matériau à alimenter un incendie. M0 pour les matériaux non combustibles ; M3 et M4 pour les matériaux moyennement et facilement inflammables ; M1 pour les pièces très difficilement inflammables. Titre en forme de classification technique, Noir M1 localise ainsi les publics dans l’envers du décor. Dans un espace à la fois sécurisé et censé être hors fiction. Perches, enceintes, projecteurs… Avec Noir M1 l’espace scénique se retourne comme un gant pour dévoiler l’endroit où se fabriquent les vérités théâtrales. Illusions, phantasmes, rêveries et fabulations, certes. Mais de celles capables de modeler et moduler les décisions collectives.

Quand l’envers du décors devient l’endroit du rêve, et la malédiction chair à magie

Accueillant les spectateurs sur un plateau semblant être en montage, Mélissa Von Vépy livre une déclaration d’amour aérienne au théâtre. Pièce dite maudite, Macbeth se perpétue encore, enveloppée dans son aura de trouble. Des drapés fantomatiques qu’endosse allègrement la trapéziste hors-sol. Et jouant avec le quadrillage scénique usuel, à grand renfort de porteuses, escabeaux et câblages détournés, Mélissa Von Vépy compose alors un lieu flottant. À mi-chemin entre la grotte spéléologique et l’inconscient collectif. Comme une danseuse solitaire, en balade dans la boîte crânienne du spectacle vivant. Palais de la mémoire un brin chaotique, Noir M1 dévoile ainsi la fragilité des fictions. Et peut-être même leur plus grand secret : celui de ne pas être tout à fait des fictions. Un peu comme au cirque, où la chute et l’envol sont des rêveries aux conséquences tangibles. Pièce avec dessus et dessous, Noir M1 transforme les destins maudits en chair à voltige.

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