PHOTO | CRITIQUE

Mélanie Le Portier

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

La Fat Galerie, nouvellement inaugurée dans le Marais, accueille pour sa première exposition la jeune photographe Mélanie Le Portier, auteure d’un travail savant d’autoportraits mis en scène.

A la fois photographe et égérie d’un photographe (l’Américain Richard Kern, dont on a pu voir récemment les images de jeunes filles délurées chez Jousse Entreprise), Mélanie Le Portier se met en scène dans des compositions complexes et raffinées, aux couleurs saturées à la William Eggleston, proches de l’esthétique cinématographique.

Certaines scènes représentées, comme LA Femme! (2006), ou I Wanna Be In Bed With You So Badly (2006), sont autant d’instantanés captés dans un flux narratif que le spectateur tentera de reconstituer d’après plusieurs indices minutieusement répartis dans le champ de l’image.
Parmi les références dont se réclame l’artiste, David Lynch prend une place majeure. On retrouve en effet ici, comme chez le cinéaste, la même fascination pour le banal et la capacité à faire surgir dans le décor quotidien une angoisse enfouie, notamment par l’association du sexe et de la violence (ainsi dans Heart of Glass, 2002).

Mélanie Le Portier réalise des autoportraits, mais, loin de la réflexion introspective, elle préfère se déguiser, et fait de son corps le terrain de transgressions. Hans Bellmer est un autre artiste important de son panthéon, et on comprend ici cette filiation avec le maître surréaliste, dont les Poupées constituèrent le réceptacle de fantasmes inavouables.
Snow White (2002) est la vision désenchantée d’une héroïne de contes de fées érotisée et vulgarisée, mais constitue aussi un traumatisme visuel, par la superposition des références à l’enfance et à une sexualité violente. Parallèlement, dans Looking After (2004), l’artiste se dévoile tout en occultant son visage par un masque grotesque, lui aussi faisant référence aux jeux de cache-cache de l’enfance.

A l’instar du travail d’une Cindy Sherman, l’autofiction mise en œuvre par Mélanie Le Portier la fait s’identifier tant à des personnages de série noire (Heart of Glass) qu’à des stéréotypes pour teenagers (Beverley, 2000). L’esthétique publicitaire et le «dirty glam» (Ventriluck, 2004), chers à son mentor Richard Kern, ne sont ici pas très loin. Une technique remarquable et des mises en scènes très élaborées permettent de sauver ce travail de ces trop évidentes références.

Mélanie Le Portier
— I Wanna Be In Bed With You So Badly, 2006. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 80 cm.
— Asmodeus, 2006. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 80 cm.
— Bijoux, 2006. Tirage photo. 70 x 70 cm.
— LA Femme!, 2006. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 80 cm.
— Heart of Glass, 2002 Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 100 cm.
— Snow White, 2002. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 120 x 100 cm.
— Reine Abyssale, 2006. Tirage photo. 70 x 70cm.
— Beverley, 2000. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 100 x 75 cm.
— Looking After, 2004. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 80 cm.
— Ventriluk, 2004. Tirage photo, contrecollé aluminium, encadrement caisse américaine. 80 x 80 cm.

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