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Mel Bochner

Mel Bochner : Si j’avais un modèle à citer, je crois que ce serait celui de ces anciens artistes chinois qui changeaient de nom trois fois dans leur vie pour ne pas rester prisonnier d’un style.

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Mel Bochner
Mel Bochner

Mel Bochner
Hier soir, nous sommes allés à Carnegie Hall pour écouter Sonny Rollins, qui, à 77 ans, fêtait le cinquantième anniversaire du premier
concert qu’il donna dans cette salle, avec le même programme exactement et dans la même formation en trio. Roy Haynes, 82 ans, était à batterie.
C’était étonnant. Et j’ai pensé à vous, parce que vous m’avez dit un jour que, ne trouvant pas le jazz musicalement assez complexe, vous n’en écoutiez plus. J’aurais vraiment aimé que vous puissiez être là. Sonny est allé, plusieurs fois, si loin dans des solos si abstraits et si variés dans l’entrelacement des idées musicales qu’il paraissait impossible de revenir sur le thème d’ où il était parti. Et puis, soudain, il y était comme sur un nuage… sublime. Mais fébrile au point de ne presque plus tenir debout.

Frédéric Paul
Pour moi, le jazz et l’Expressionisme Abstrait, c’est un peu pareil. Cette forme de musique est trop intimement liée aux aléas de l’improvisation, elle est trop profondément enracinée dans l’expérience privée, et, du coup, elle ne peut exister en dehors du contexte du concert. Le corps y est aussi trop ouvertement sollicité, j’ai l’impression.
J’ai évidemment beaucoup de respect pour des musiciens comme Sonny Rollins ou Jimmy Giuffre, Paul Bley et Sam Rivers, que j’ai vraiment admirés, et qui, à un certain moment., m’ont permis de bifurquer vers Anton Webern et la musique contemporaine. Quand je parle de complexité en musique, je pense à la distance phénoménale qui sépare interprétation et composition.
Vous voyez ce que je veux dire quand je fais la comparaison avec l’Expressionisme Abstrait ? Regardez-vous aujourd’hui la production de cette mouvance artistique comme dans les années soixante?