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May 35th

PMarie-Jeanne Caprasse
@18 Mar 2011

Détourner les signes, brouiller les pistes. Tels sont les chemins qu’emprunte la créativité de Patrick Guns pour laisser bien souvent le spectateur dans le trouble et l’impression que mine de rien, l’artiste touche là où ça fait mal.

Patrick Guns est un homme branché sur le monde et sur les médias. La particularité de son art tient aux transpositions toutes personnelles qu’il opère pour nous parler du monde et de comment il va. Il construit des messages visuels simples qui sous des dehors ludiques et légers traduisent un malaise et un état de violence sociale permanents.

Ses grands dessins au bic sont toujours des condensés d’agression faite à son petit personnage anonyme à la tête de sphère. Y pointent, la banalité quotidienne de ce sentiment d’oppression et l’infinie solitude de l’homme qui émeuvent d’autant plus que les signes qu’il utilise pour en parler sont simples et directs. L’absence de pathos dans le sujet comme dans le style renforcent ce propos.

Guns se moque, en même temps qu’on le sent révolté. Dans The World is Yours, il exprime en images la domination économique et l’ambition de s’emparer du monde des quatre grandes puissances émergentes: Brésil, Russie, Inde et Chine. Il traduit dans chacune de leur langue «Le monde est à toi» qu’il affiche sur un zeppelin, comme dans le film Scarface. La vision économique domine: le monde est à eux mais nous, nous sommes à qui ?

Pour nous parler d’immigration, il transpose au crayon sur grand format un dessin qui schématise un parcours de concours de chiens de troupeau. Et sans beaucoup d’efforts, le regardeur ne peut s’empêcher d’y voir la migration des peuples autour du bassin méditerranéen. Avec beaucoup qui s’en vont, quelques uns qui se perdent en route et peu qui reviennent.

Guns aime déstabiliser par l’association de visuels à première vue anodins pour qu’avec un peu de recul, le spectateur comprenne que le sens n’est pas à chercher dans le même registre que le signe. Pour résumer son approche, on pourrait dire qu’il y a un décalage entre le contenant et le contenu, il pratique la dissonance visuelle. L’œuvre Apologize illustre parfaitement ce propos: il s’agit de banderoles colorées pendues au plafond, comme celles utilisées pour faire la fête, sur lesquelles l’artiste a apposé une série de mots d’insultes.

Patrick Guns ne cesse de nous souffler: le monde est cruel mais allons y gaiement.

— The blow, 2011. Bic sur papier. 140 x 140 cm
— The world is yours, 2011. Mine de plomb sur papier. Chaque: 100 x 140 cm
— YHVH HOOQ. Spray painting on the wall-collaboration with EYES-B / Elaine Levy Project 2010. 2 m x 7 m
—  Into water, 2011. Bic sur papier. 195 x 195 cm
—  The (Mediterranean) Landscape, 2010. Mine de plomb sur papier. 200 x 200 cm

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