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Mathilde Monnier

Avec Pavlova 3’23’’, Mathilde Monnier crée une danse de la fin qui se répète l’infini. Articulée par une succession de soli, la pièce grince d’une mélodie funèbre. La chorégraphe accepte de nous donner les clés de cette réflexion sur la mort et le temps qui passe....

Camille Paillet. Au regard de votre parcours de chorégraphe, c’est la première fois que vous travaillez à partir d’une figure marquante de l’histoire de la danse. Comment en êtes-vous venue à Anna Pavlova et à cette pièce qui l’a rendue célèbre, La Mort du cygne?
Mathilde Monnier. Au départ, je voulais travailler sur la représentation de la mort. Sans doute, pour des raisons personnelles… Je suis donc allée fouiller dans l’histoire de la danse à la recherche d’une pièce qui aurait traité de cette question. J’ai été amenée à m’intéresser aux danses macabres, puis dans le registre de la peinture, aux Vanités. Finalement, je suis retournée à mon art  la danse. Il m’est alors revenue cette pièce d’une durée de 3 minutes 23, La Mort du cygne d’Anna Pavlova, que j’avais vue il y a deux ans et dont Isabelle Launay, qui enseigne à l’université Paris VIII, m’avait parlé. J’ai notamment travaillé à partir d’un mémoire réalisé sur le sujet par un étudiant…

Comment cette documentation historique et iconographique s’est-elle mise en place dans le travail corporel avec les danseurs?
Mathilde Monnier. A partir de toute cette masse d’informations, j’ai prélevé les éléments qui m’intéressaient et j’ai commencé à travailler sur les soli, d’une durée identique de trois minutes. Cela se passait différemment avec chaque interprète. Quotidiennement, les danseurs on a vécu La Mort du cygne comme une pratique.

De quelle façon envisagez-vous l’esthétique romantique incarnée par l’image symbolique du cygne?
Mathilde Monnier. Au départ, j’ai eu un peu de réticence à travailler sur cette pièce car je trouve que l’image du cygne est dépassée, l’esthétique romantique trop désuète. Cette substitution de la femme par le cygne, la construction symbolique autour de la ballerine ne m’intéresse pas. En fait, c’est la mort et non le cygne qui m’intéresse ! C’est pour cela que j’ai appelé la pièce Pavlova 3’23’’ au lieu de reprendre le titre original. Encore une fois, mon ambition était de réfléchir à la question de la représentation de la mort. La Mort du cygne est une danse de la fin, qui nourrit sa propre fin et qui ne finit jamais de finir…

La danse, en tant qu’art du vivant, peut-elle représenter l’arrêt du mouvement, la mort?
Mathilde Monnier. En fait, il s’agit moins d’une représentation de la mort que d’une représentation de la fin. Ce n’est ni une représentation réaliste, pathétique ou organique de la mort. La présence de la mort se situe dans la construction même de la pièce où le spectacle meurt, les rideaux meurent, les danseurs et les scènes meurent. C’est une démarche créative et non réelle. Et je pense que la représentation de la mort est visible partout. Quand on allume la télévision, on y est confronté en permanence, on nous montre des cadavres en direct. Donc, nous sommes en face d’une représentation à la fois quotidienne de la mort mais en même temps très irréelle. La pièce se situe à un autre niveau.

Peut-être au niveau de la temporalité même de la mort qui rejoint celle de l’évènement « éphémère »propre à l’art de la danse….
Mathilde Monnier. Oui, c’est une pièce sur le temps qui s’arrête. La pièce commence par la fin. Dés le départ, les danseurs meurent en tombant sur le sol. Puis elle ne cesse de courir après un mouvement qui ne veut pas s’arrêter. C’est une pièce qui est bloquée sur la question du temps : la construction séquencée par des boucles répétitives, les tempos court et unique de trois minutes pour chaque solo, l’heure qui s’affiche sur une horloge pendant le spectacle, l’injonction des sonneries qui appellent les danseurs sur scène pour mourir dans une chute….Ce n’est pas une construction en continuité, au contraire, c’est une pièce en rupture qui cherche la continuité.

Quelle place occupent les objets dans la construction de la pièce?
Mathilde Monnier. Les objet sont inspirés et associés aux Vanités. Mais ils ne sont là que pour disparaitre. Ils ne forment pas des images fixes. Ils sont déposés sur le plateau au gré du hasard et, à peine apparaissent-ils, qu’ils disparaissent aussitôt. Les danseurs jouent avec leurs différents degrés de signifiants en les déplaçant sans cesse, ils forment quelques instants des images, mais c’est encore une fois la temporalité de la transformation qui est recherchée dans l’utilisation de ces objets.

Pour finir, que pensez-vous des démarches actuelles de reconstitution des pièces du patrimoine chorégraphique?

Mathilde Monnier. Par exemple, il existe un grand nombre de versions de cette danse du cygne, comme celle des Ballets Trockadero de Monte Carlo. Même si ma démarche n’inscrit pas dans un travail de reconstitution, je trouve cela très intéressant. Il me semble important de re-questionner notre patrimoine, de repenser notre héritage en le ramenant en permanence dans l’espace contemporain. D’ailleurs en danse, on s’étonne souvent lorsqu’un chorégraphe décide de reprendre une pièce passée, alors qu’au théâtre il s’agit d’une pratique courante, on fait des énièmes des pièces de William Shakespeare !

— Chorégraphe : Mathilde Monnier
— Compagnie : CCN de Montpellier Languedoc-Roussillon

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