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Mathieu Mercier

PGérard Selbach
@12 Jan 2008

Dans ses quatre propositions sans lien apparent, sinon celui de l’espace de la galerie, Mathieu Mercier s’adonne à des jeux d’oppositions de formes et de matières qui non seulement montrent ses préoccupations d’un dialogue avec les références conceptuelles, minimales et cubistes, mais qui sont aussi des signes d’un approfondissement de sa quête du sens d’un art polymorphe et polysémique toujours remis en question.

Comment éviter, à l’entrée de la galerie, le muret de briques de plâtre blanc auquel s’adosse un monticule de coulées solidifiées de plâtre ? Le visiteur rentre littéralement dans le mur de manière frontale. Présence forte et incontournable d’une proposition de Mathieu Mercier qui ressent « un nouveau souffle, après la pression et les enjeux de l’exposition au Centre Pompidou », nous a-t-il confié. Telle est la première (Sans titre, 2004, plâtre) des quatre œuvres qui participent à son jeu de monstration, des travaux qui sont comme autant d’affirmations et de témoignages d’un plasticien à la recherche des diverses pistes de son activité artistique.
Ses efforts et effets plastiques l’amènent à traiter ici le plâtre de deux façons ou deux consistances opposées : la construction d’un mur droit, vertical, anguleux, fait d’éléments industriels, modulaires et visibles, auquel s’appuie au contraire la masse arrondie de plâtre insécable et coulé vraisemblablement in situ. Mais il est peu probable que le regardeur s’en tienne à la simple vision du travail et au seul caractère littéral de la manipulation conceptuelle de la matière et des formes. Il va faire appel à son imagination et chercher du sens derrière le sensible immédiat, car tout objet n’est qu’un réseau de signes, et cette construction est construction d’idées.

Une esthétique cubiste et mécanique, ensuite, (Sans titre, 2004, aluminium, caoutchouc) dans cette combinaison de formes simples, minimales, et d’un matériau symbole de modernité, l’aluminium : une table rectangulaire surmontée de deux volumes cylindriques en rotation grâce à une courroie en caoutchouc. Tout y est opposition et contradiction : le parallélépipède rectangle horizontal s’oppose aux cylindres verticaux ; le bloc de la table, espace statique, contraste avec la mobilité des cylindres qui tournent en continu, donc dans le temps ; l’aluminium indéformable brillant diffère du caoutchouc noir curviligne par ses capacités à se déformer. Une fois encore, les références à l’ère industrielle et surtout à un art minimaliste d’un Donald Judd sous-tendent sa proposition.

Dans le fond de la galerie, la troisième œuvre (Sans titre, 2004, néon, métal) est constituée d’une sorte de portemanteau en métal noir auquel est accroché un éclairage fluorescent rouge spiralé. Le plasticien avait déjà utilisé des néons dans Le Spot/Folding Lamp (2002), mais d’une tout autre manière. Une plus grande économie de moyen rappelle les installations minimalistes en néon de Dan Flavin, à moins que cela ne soit un signe pop art. Mais, avec une différence, le serpentin de néon lumineux contraste avec la verticalité du pied ou colonne comme autant de métaphores de notre monde. La recherche formelle est, une fois de plus, très forte.

Abstraction géométrique ou approche très cubiste, rappelant celle de Braque, enfin, pour une œuvre picturale, un tableau rond accroché au mur de la galerie (Sans titre, 2004, acrylique sur toile). Mathieu Mercier poursuit sa démarche sérielle où l’on retrouve le travail sur la construction éclatée en facettes multiples du diamant. Il utilise, cette fois, une palette de teintes ternes à bases d’ocres, de bistres, et de terres, disposées par aplats, qui donnent un aspect décoratif à l’œuvre. De l’espace tridimensionnel au sol, il passe à la planéité au mur, initiée par le cubisme.

Si Mathieu Mercier continue à dialoguer avec les références et à échanger avec les diverses tendances de l’art contemporain et de la modernité, il dépasse la simple évocation pour définir son identité propre dans cette exposition qui porte une interrogation plus globale sur l’art actuel.
Les quatre œuvres représentent quatre positions différentes et un pur engagement de sa part avec des matériaux qu’il prend à bras le corps pour leur conférer des formes simples. Mais, si la simplicité est son principe de pensée, ses pièces plus plastiques démontrent une évolution dans sa réflexion et une expérimentation vers d’autres possibles. Robert Morris ne disait-il pas : « Simplicité de forme ne signifie pas simplicité d’expérience » ? Mercier tente de trouver un sens qui, par-delà une pratique plus éclatée, est révélé par la lecture de l’ensemble de ses travaux.

Mathieu Mercier
— Sans titre, 2004. Plâtre, 130 x 88 cm.
— Sans titre, 2004. Acrylique sur toile. Diam : 130 cm.
— Sans titre, 2004. Néons, métal. 300 x 60 cm.
— Sans titre, 2004. Aluminium, caoutchouc. 90 x 150 x 300 cm.

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