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Marlene Dumas

La collection Hypercontemporain des éditions Hazan publie une monographie succincte sur l’œuvre de l’artiste néerlandaise Marlene Dumas, auteure d’un travail pictural puissant à partir de la figure humaine, sur des thèmes complexes comme la mort ou la sexualité.

Information

Présentation
Ilaria Bonacossa
Marlene Dumas

D’origine sud-africaine mais néerlandaise d’adoption, Marlene Dumas explore dans sa peinture, et plus encore dans ses dessins, le corps humain, son sujet central, pour traiter des thèmes essentiels de la vie: la naissance, l’amour, la sexualité, la religion, la mort, mais aussi raconter sa propre histoire et la questionner en s’interrogeant sur le monde de l’art, le racisme et l’Afrique.
 
« Le travail de Marlene Dumas ne peut pas être analysé de manière chronologique, dans la mesure où, à plusieurs années de distance, elle revient sur les mêmes thèmes en les développant comme s’il s’agissait de motifs récurrents. Sa poétique est donc structurée en formats presque standardisés, tels les nus allongés, les grandes figures verticales, les figures vues de dos, les visages en gros plan, les séries d’aquarelles en noir et blanc. Le fil rouge de ce qui peut sembler à première vue une production éclectique est le désir constant de l’artiste de dévoiler l’hypocrisie et l’inadéquation des contraintes sociales.
Marlene Dumas puise dans un vaste répertoire d’images immédiatement reconnaissables, dans le but de remettre en question tout système de croyances considéré comme acquis, choisissant de briser les tabous de la société contemporaine. C’est ainsi que voient le jour des œuvres inspirées des Saintes Écritures ; notamment, à cause de l’éducation protestante rigide qu’elle a reçue, le Christ et Marie-Madeleine sont devenus des figures récurrentes dans son œuvre depuis les années 1980. Marlene Dumas est fascinée par le pouvoir profanateur des représentations du divin ; dans sa série des «Magdalenas», commencée en 1995 pour le pavillon néerlandais de la Biennale de Venise, elle montre de face des figures nues, à la manière d’idoles préhistoriques. Ses Madeleines expriment l’idée d’une féminité violente, monstrueuse mais en même temps très sensuelle et profondément humaine.
Les portraits de sa fille Helena et les autoportraits constituent un autre thème qui revient sous différentes formes, depuis les dessins de jeunesse exécutés en Hollande, qui la représentent sous l’apparence d’une sirène ivre, jusqu’aux portraits en gros plan. […] À la fin des années 1990, elle réalise une série d’œuvres qui jouent ironiquement avec la pornographie en cherchant à introduire dans la peinture contemporaine la sexualité et la séduction. L’aspect scandaleux des images pornographiques de Marlene Dumas réside dans le fait que, à la différence des féministes des années 1970, le corps qu’elle exhibe et violente n’est pas le sien mais celui d’autres personnes. Les hommes et les femmes représentés nus et dans des poses provocantes paraissent heureux et même ennoblis par ces représentations. Le traitement liquide, humide de ces dessins évoque paradoxalement le plaisir éprouvé par l’artiste à représenter ces corps. L’utilisation de la pornographie devient un jeu destiné à lutter contre les stéréotypes, la nudité ayant le pouvoir de rendre tous les gens égaux. La peinture comme la pornographie, semble vouloir dire Marlene Dumas, est une projection mentale dont l’objectif final est de séduire le spectateur à l’aide de différents stratagèmes. »

« Actuellement mon art se situe entre la tendance de la pornographie à tout révéler et le penchant de l’érotisme à cacher ce dont il est question. » — Marlene Dumas

Ilaria Bonacossa est conservateur à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo de Turin, où elle a organisé des expositions telles «Subcontingent, The Indian Subcontinent in Contemporary Art» (2006), ou «D-segni» (2004), consacrée au dessin contemporain.