PHOTO

Mark Lewis

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

L’œuvre de Mark Lewis ne cesse de questionner l’image filmée. Tour à tour, il expérimente la manière cinématographique, documentaire ou photographique. Car c’est bien de manière dont il est question. La manière dont nous produisons ces images, dont nous les regardons et dont nous les intégrons à notre imaginaire occidental.

Avec la nouvelle série d’œuvres présentée à la galerie cent8, Mark Lewis poursuit son parcours jalonné d’images référencées — images déjà vues dont les allusions cinématographiques et picturales sont revendiquées.
Redoublant les jeux de citation, il fait intervenir la figure de l’Autre entre différence et métissage. C’est ce qui apparaît clairement avec la série de photographies représentant des univers urbains de divers lieux du monde.

Huit photographies au total qui refusent l’outrance des grands formats pour attirer l’attention sur ce qu’elles montrent. Dans cette série qui, en raison d’un accrochage particulier, finit par revêtir les traits d’une installation relativement narrative, Lewis alterne les vues d’une Amérique calme aux rues désertes avec les images d’un urbanisme anarchique et non planifié caractéristique des paysages méditerranéens.

Choc des cultures s’il en est : cette skyline méditerranéenne et chaotique ferait s’arracher les cheveux à n’importe quel urbaniste psychorigide. Inversement, la rue américaine à la pureté plastique empruntée à Jeff Wall, et la planéité toute picturale échappée d’une toile d’Edward Hopper, crée une sorte de panique du vide.

Davantage qu’un choc entre Amérique et Maghreb, c’est un contraste Méditerrénée/Occident qui apparaît sous les photographies de Lewis. La difficulté de ce contraste étant assurément que Méditerranée et Occident forment malgré tout la base de notre culture.

Actes prémédités, les images de Mark Lewis ne parviennent pas tout à fait à s’émanciper des stéréotypes sur les différents types de paysages urbains. Le sud brouillon et bruyant emprunte l’esthétique des cartes postales ou des dépliants d’agences de voyages. Le paysage américain emprunte le cliché du paysage de road movies véhiculé par le cinéma hollywoodien. À quand un nécessaire réexamen de nos cadres visuels, d’une déterritorialisation de la rétine. Car Il y a friction non seulement entre les paysages mais aussi entre leur représentation : c’est Hollywood contre Bollywood !

Quadrillage rigoureux des rues et pragmatisme de sa distribution en parcelles, c’est bien à partir de la ville américaine que Mark Lewis réalise l’essentiel de son œuvre. On pensera alors la ville comme une page blanche, c’est-à-dire comme elle se donne à l’urbanisme et comme l’urbanisme s’y donne aux habitants.
C’est aussi ce que montre les vidéos tournées au cœur de la ville : Children’s Games, Heygate Estate (2002); Churchyard Row (2003) ; ou Off Leash, High Park (2004).
Dans l’une d’elles, la caméra tourne autour d’un pâté de maisons et bute sur une inscription «Beware of the dog». Le travelling est lent et souple à la manière de ceux réalisés par Gus Van San dans Elephant. Plus tard, on comprend que ce pâté de maisons est un parc où chacun vient y promener son chien. La caméra alors perchée dans un arbre nous transforme en voyeur de cette situation pour le moins absurde du quotidien citadin.

Maxence Alcalde
Children’s Games, Heygate Estate, 2002. Film 35mm transféré sur DVD. 7 minutes 27 s.
Churchyard Row, 2003. Film 35mm transféré sur DVD. 4 minutes
Off Leash, High Park, 2004. Film 35mm transféré sur DVD. 4 minutes.
Algonquin Park (“Goldon Rod”), 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Vancouver, 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Toronto (“Queensway, Pan+zoom”), 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Marrakesh (“The Birds”), 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Los Angeles, 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Toronto (“Queensway, Pan+Zoom”), 2005. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Galveston, Texas, 2003. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Marrakesh (“The Birds”), 2004. Photographie couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Algonquin Park, Early March, 2002. Film 35mm transféré sur DVD. 4 minutes.
Toronto, 2005. Photographie de repérage, couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Toronto, 2005. Photographie de repérage, couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Los Angeles, 2004. Photographie de repérage, couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Algonquin Park (« Goldon Rod »), 2004. Photographie de repérage, couleur, encadrée. 52 x 62 cm.
Harper Road, SE1, 2003. Film super 35mm transferé sur DVD. 4 minutes 17 s.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO