ART | CRITIQUE

Marine Joatton, Venir à bout des taupes

PMarie-Jeanne Caprasse
@04 Fév 2008

Marine Joatton s’ouvre à de nouvelles perspectives. Elle qui nous avait habitués à ses petits dessins ramassés sur une feuille de papier blanc, elle transpose son univers personnel sur de grands formats, toujours avec les techniques les plus diverses comme le feutre, le vernis à ongle, les craies, la peinture à l’huile ou à l’eau.

Marine Joatton souhaite laisser libre cours au hasard, aux forces de son imagination créative. L’écriture automatique, la peinture non intentionnelle sont à la base de son travail et à partir d’une simple tache de couleur, elle s’efforce de donner naissance à une forme.

Certains de ses tableaux font penser à des rébus. Comme celui-ci, exposé à la galerie Eric Dupont, où flottent sur le fond blanc une espèce de graine germée avec à ses côtés une forme d’utérus gris aux larges oreilles, une patte griffue et une bouche aux dents pointues. Ces éléments font penser à des symboles, à des abstractions. Serait-ce une histoire étrange que l’artiste veut nous conter ? En tous cas, le champ de l’interprétation est libre, aucun titre ne vient ébaucher une piste particulière.

Sa manière de composer et d’appliquer les couleurs étonne. Ses traits sont pris de frénésie et s’entremêlent les uns les autres. Depuis plusieurs années, Marine Joatton a fait du gribouillage sa marque, son style. De ces entrelacs dessinés, elle fait apparaître des figures étranges, directement liées au monde de l’enfance. Le conte, les bestiaires fantastiques, imprègnent l’ensemble de son œuvre. Elle y fait d’ailleurs directement référence dans sa série de petites sculptures réalisée en 2000-2002, Les Bêtes, assemblées à partir de matériaux organiques.

Dans ses dernières réalisations, Marine Joatton semble délaisser son bestiaire fantastique pour se diriger vers le monde des hommes et des formes plus amples, plus équilibrées. Le titre de l’exposition, «Venir à bout des taupes», témoigne-t-il de ce cap franchi dans l’imaginaire de l’artiste ? Le mécanisme de prolifération de son travail antérieur a disparu bien que souvent les motifs restent troubles, perturbés par des traits nerveux et désordonnés. Sa recherche actuelle semble s’orienter vers la couleur, la simplicité des formes et la recherche d’équilibre avec l’espace blanc de la toile ou du papier. La spontanéité de son geste relie son art à celui d’un Basquiat ou d’un Cy Twombly.

Dans la série des « dessins aveugles » apparaissent des corps d’enfants et des petits monstres dont les expressions sont souvent jubilatoires. Leur procédé repose sur le dessin réalisé à l’aide d’une pointe sur du papier carbone. C’est donc une sorte de dessin à l’aveugle, au trait froissé, que l’artiste réalise, car tout au long de son exécution le dessin reste caché par la feuille noire en surface. Mais ils ne sont aveugles que dans leur processus puisqu’ils nous donnent à voir l’imaginaire fantaisiste teinté de notes enfantines de l’artiste.

Marine Joatton
— Sans titre, 2007. Huile sur toile. 114 x 146 cm
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Sans titre, 2007. Technique mixte sur papier. 115 x 150 cm
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Sans titre, 2007. Dessin aveugle, Fusain sur papier. 30 x 30 cm
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Sans titre, 2007. Technique mixte sur papier. 210 x 150 cm
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Sans titre, 2007. Dessin aveugle, Fusain sur papier. 30 x 30 cm

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