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Maria Hahnenkamp

PEva Robillard-Krivda
@12 Jan 2008

Des fragments compacts d’un corps de femme vêtue de rouge saturé, photographiée en gros plans. Un corps sans visage, sans contexte et sans chair. Une réflexion sur l’image de la femme, et une implication forte du spectateur.

Malgré leur apparente simplicité, les photographies de Maria Hahnenkamp sont des œuvres complexes qui ne se livrent pas facilement. La perfection plastique et esthétique incitent le spectateur à se contenter d’une approche superficielle. L’œil doit ainsi se libérer de l’emprise d’un rouge intense et hypnotique pour pénétrer la surface en se glissant dans ses plis et ses zones d’ombre. On découvre alors que ces photographies sont celles d’un corps de femme fragmenté.

Le gros plan invite à scruter ce corps “sous toutes ses coutures”. Le rouge s’inscrit alors dans un jeu de séduction où le désir d’accéder, au-delà du fragment, à la totalité de cette femme excite l’imagination du spectateur. C’est moins le corps réel qu’il voit qu’un idéal : “La Femme” dans toute sa perfection.

Le morcellement sert ici à sublimer le corps féminin. Le cadrage et l’épuration des images rendent toute identification impossible: ce corps n’a pas de visage, pas de contexte et pas de chair. Vidée de toute dimension organique, la Femme n’est ici que fantasme, un fantasme exalté par la mode, par ses vêtements rouges qui renvoient, de nouveau, le spectateur à la surface de l’œuvre.

Dans ces œuvres, une relation particulièrement ambiguë existe entre le corps de la femme et son image, relation d’opposition qui s’impose à la structure même des photographies, à son mode de fonctionnement binaire. Ainsi, chaque élément, chaque détail possède une signification double. Le rouge des vêtements symbolise simultanément l’amour et le sang, la tendresse et la violence, la pureté du sentiment amoureux et la souillure du sang. Le gros plan attire le spectateur au plus près de ce corps féminin, lui fait pénétrer sa sphère intime, et en même temps l’exclut en rendant toute détermination et identification impossibles. En outre, la mise en parallèle de l’image mentale, fantasmatique, et de l’image visuelle, photographique, montre que le corps idéalisé disparaît dans les plis du tissu pour ne réapparaître que dans l’imaginaire du spectateur. Dématérialisé, il peut être élevé au rang de modèle, de mythe, et fonctionner comme signe.

Maria Hahnenkamp conduit une réflexion sur l’image de la femme au sein de la société et invite le spectateur à s’interroger sur les relations entre le sujet, sa représentation et sa subjectivation.

Maria Hahnenkamp :
— Photographies Untitled, série A Woman , 2001. Photographie couleur, support en aluminium. 93 x 73 cm.

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