DANSE | SPECTACLE

ZOA | Piel

31 Oct - 31 Oct 2018

Pièce pour deux danseuses, Piel, de la chorégraphe Maria Eugenia Lopez, va chercher la mémoire à la surface de l'épiderme. Souvenirs tactiles de socialisation, la peau garde trace des contacts passés. Ainsi que des carences en contact physique. Pour une pièce qui interroge l'importance du toucher.

Comme la peau sert d’interface entre l’intérieur du corps et l’environnement, la première française de Piel (2018) sera le relais entre deux festivals. Créé par la chorégraphe vénézuélienne Maria Eugenia Lopez (Cie Incognita), le duo Piel [peau, en espagnol] fera la clôture du festival ZOA (Zone d’Occupation Artistique), et l’ouverture du festival Signes d’Automne. Interprété par Florence Augendre et Maria Eugenia Lopez, Piel explore une question sourde : celle du manque de contact physique. Dans des sociétés où la densification urbaine s’accompagne d’une minimisation des contacts corporels, Maria Eugenia Lopez interroge le devenir des corps non-touchés. Abordant la question par la danse, la poésie et l’humour, elle livre ainsi un duo à la fois dépouillé et magnétisé par le besoin de toucher. Entre crainte et attraction, comme dans ces musées où prime l’injonction de ne pas toucher les sculptures, aux formes pourtant toutes plus tactiles les unes que les autres.

Piel de Maria Eugenia Lopez : un duo épidermique, autour du contact physique

Sur une scène sans décor, deux danseuses en tenues couleur chair s’explorent. Il y a de l’humour dans cette représentation du besoin de sentir l’autre. Mais il y a aussi quelque chose d’animalement humain dans ce rapport instinctif à l’autre. Si le bruit est peu encadré, le toucher est socialement très réglementé. Quelles parties du corps peuvent ou non être touchées… Combien de temps, de quelle manière, avec quelle pression (cf. l’art de la poignée de main ou de la bise)… Et grattant l’armure des conventions, Piel renoue avec ce que le contact corporel peut aussi avoir de vital. En lui enlevant un peu de sa connotation sexuelle, pour mieux accentuer sa dimension sociale. Au gré des différents registres de contact physique, du cercle amoureux aux cercles familial, amical, professionnel… Car phénomène culturel, chaque société développe effectivement son bon usage de la proxémie (terme du sociologue Edward T. Hall).

La peau comme lieu de mémoire socialisée : le toucher, de carences en caresses

Dans les années 1960, plusieurs études ont souligné l’importance du contact physique pour les nouveau-nés. Contre le dépérissement, dans les orphelinats, des bébés en carence d’affection. Et plongeant dans cette réalité matérielle du façonnement de soi par le contact, Piel déroule les souvenirs des deux danseuses. Au fil de séquences évoquant la mémoire physique de chacune d’elles. De caresses en cicatrices, de blessures en câlins, de réconforts en agressions, la mémoire épidermique affleure. Et les évocations tourbillonnent, sur les rythmes du compositeur Guillaume Le Boisselier. Lequel mixe et joue en live une musique enveloppante, par nappes parsemées d’accords félins (guitare baryton). Comme une envoûtante pulsation mise à nue, à la Neil Young (Dead Man) ou Rye Cooder (Paris Texas). Et dans l’intime chaleur des corps qui se frôlent et se racontent par le toucher, Piel fera ainsi la jonction entre ZOA et Signes d’Automne.

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