DANSE | SPECTACLE

Festival d’Automne | A Invenção da Maldade

15 Oct - 18 Oct 2019

Le portugais compte au moins deux mots pour le mal : 'mal' et 'maldade'. Le deuxième pouvant aussi se traduire par méchanceté. Avec A Invenção da Maldade, Marcelo Evelin livre une pièce sensible, où s'esquissent les contours de la méchanceté, dans ce qu'elle a de bête et d'enfantin.

Pièce pour six danseurs, A Invenção da Maldade (2019) de Marcelo Evelin (Cie Demolition Incorporada), questionne par la danse un point douloureux. Le mal. Non pas le mal ambigu qui porte aussi en lui la souffrance de celui qui subit. Simplement la méchanceté. Une distinction que permet le portugais, avec le mot ‘maldade’. Pièce charnelle, le chorégraphe brésilien Marcelo Evelin y remonte le fil vers d’obscures origines. Quelque part dans l’enfance de l’être humain, là où celui qui agit ne ressent pas nécessairement les conséquences de ses actes. En lisière de l’éthique, le spectacle redouble d’esthétique. Le décor a quelque chose de primal. Les corps sont nus, en bonne santé. Le plafond est orné de cloches en céramique et métal. Sur scène, il y a des branchages. L’esthétique d’A Invenção da Maldade va puiser au fond de chacun, là où l’instinct animal rôde, avec son goût pour la vigueur.

A Invenção da Maldade de Marcelo Evelin : quand l’enfance invente la méchanceté

Dans son livre de 1963, L’Agression: une histoire naturelle du mal, le biologiste Konrad Lorenz explore de façon froide les mécanismes du mal. Avec A Invenção da Maldade [L’invention de la méchanceté], Marcelo Evelin plonge plutôt dans la chaleur humaine, entre proximité et promiscuité. Le caractère enfantin ressort. Expliquant la genèse de son spectacle, Marcelo Evelin raconte comment, vers cinq, il proposait déjà des mises en scène. Et comment cela faisait s’exclamer sa grand-mère, en souriant : « Ça y est, c’est l’invention de la méchanceté qui commence ! ». Diablerie d’enfant, A Invenção da Maldade déploie un monde un peu à part, où la méchanceté a quelque chose de bêtement innocent. Comme une caractéristique humaine plutôt banale. Un jeu qui, inopinément, peut tourner mal ou court. Et autour d’un feu de bois symbolique, les liens se font et défont, dans le plaisir comme la douleur.

Une méchanceté à amadouer : petite plongée dansée dans la fabrique du mal humain

Pièce subtile, la nudité n’y est pas spectacularisée. De même, ce sont les mouvements des corps qui font teinter les cloches. Comme le vent dans les feuilles d’une forêt sonore. Pas de lecture anthropologique ou didactique, A Invenção da Maldade reste une invention. Un moment de fiction, de friction, de frisson. Pour mieux dédiaboliser, peut-être, la méchanceté et l’amadouer. Non pas comme un fait biologique, mais comme une construction humaine à apprivoiser. Faisant le choix d’une lumière vivre, brillante, A Invenção da Maldade opte aussi pour le pied d’égalité. Les danseurs et publics sont au même niveau. La pièce n’est pas participative, car comme le note Marcelo Evelin : les performances participatives sont parfois un peu trop agressives vis-à-vis des publics. Mais les acteurs et spectateurs ne sont pas séparés par une fosse. Laissant ainsi ouverte la question de savoir qui, des publics ou des danseurs, fera le loup pour l’homme.

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