ART | CRITIQUE

Marc Devade

PSébastien Delot
@12 Jan 2008

Série d’encres sur toile exécutées en 1972 par un théoricien et membre actif du groupe Support-Surface, disparu très jeune. Entre les influences de l’expressionnisme abstrait américain et une réflexion sur l’espace et le matériau proche de la peinture chinoise.

Marc Devade (1964-1983) est une figure iconoclaste de la peinture. Théoricien et poète, il est proche de Philippe Sollers, Julia Kristeva, et de Marcelin Pleynet qui dira de lui : « Dans une époque qui fut heureusement troublée, et sans doute confuse, on commence à s’apercevoir que son œuvre est une pensée en acte, une pensée en acte poétique, c’est-à-dire une pensée-peinte. »

Dans le contexte des années 1960, son regard transatlantique est une posture atypique. Paris et New York s’ignorent réciproquement. La peinture expressionniste américaine est peu visible en France, mais elle a occupé une place considérable dans l’œuvre de Devade. Ses toiles sans titre de 1968 font figure d’hommage aux grands maîtres américains comme Kelly ou Reinhardt.

Pour Devade, c’est la peinture qui enregistre et énonce le format. L’intérieur des limites fixées par le cadre de la peinture est l’espace laissé libre à l’artiste. De nombreuses esquisses crayonnées préfigurent les toiles.
Son goût pour la peinture chinoise le pousse à explorer des techniques comme l’encre qu’il exploite de 1972 à 1979, et qui lui permet une approche extrêmement personnelle de la couleur, de la matière et des transparences.

Selon Karim Ghaddad, spécialiste de Devade, les encres sont « obstinément étranges. Devade produit là une opération de métissage, il qualifie l’encre de chine de matériau excentrique. L’utilisation de différentes teintures liquides jouant sur les transparences se retrouve chez Cane, Viallat, Dezeuze. »
Devade théoricien considère la peinture chinoise « non pas comme la représentation d’un réel extérieur, selon des lois scientifiques (perspective, point de fuite), ou comme expression d’un monde extérieur, mais comme redoublement des lois de la nature et de la société ».

L’œuvre graphique permet de mieux comprendre les toiles. À partir de 1972, l’abandon de l’acrylique pour l’encre plus liquide et transparente bouleverse le geste de peindre : « La surface est toujours structurée par des travées verticales parallèles, mais dans une géométrie minime. Le trait s’épaissit là où la touche du pinceau viendra balayer la toile de lignes de césure, par un balayage noir et irrégulier, dirigé vers l’extérieur de la surface picturale. La toile réalisée, la trame disparaît au détour des diaprures translucides de l’encre » (Stéphanie Gille).

Les variations de lumières sont inhérentes aux encres de Devade. Les couleurs ne se heurtent pas mais se fondent, se confondent ou s’amalgament pour donner l’impression de voiles enchevêtrés laissant filtrer une lumière sans cesse renouvelée.

Les toiles par leur format et la densité des couleurs nous absorbent ; comme dans la peinture chinoise ces toiles semblent prétexte à la méditation intérieur.

Marc Devade :
— Sans titre, 1973. Encre sur toile. 200 x 200 cm.
— Sans titre, 1972. Encre sur toile. 200 x 200 cm.
— Sans titre, 1972. Encre sur toile. 200 x 120 cm.
— Sans titre, 1972. Encre sur toile. 244 x 177 cm.
— Sans titre, 1972. Encre sur toile. 177 x 244 cm.

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