DANSE | SPECTACLE

Le Grand Bain | Queen-Size

19 Mar - 19 Mar 2019

Quand la loi criminalise les rapports homosexuels entre personnes consentantes : comment répondre ? Le chorégraphe indien Mandeep Raikhy passe par la danse pour souligner la violence de cette incursion dans la sphère privée. Avec un duo masculin sensible : Queen-Size.

Un lit, deux hommes. Espace de jeu, espace d’amour, espace d’aventures et de voyages… Avec Queen-Size (2016), le chorégraphe indien Mandeep Raikhy livre un duo sensible. Interprété par Lalit Khatana et Parinay Mehra, Queen-Size ne garde du lit double que ce qu’il a de plus simple. Quatre pieds et un sommier : presqu’un trampoline — il s’agit en réalité d’un charpoy. Et dans cet espace minimal, couvé d’un lustre à la lumière tamisée, comme un bateau intime dans l’océan de la scène et des publics, s’esquisse une chorégraphie. Une histoire à deux. Pièce composée en écho à l’article 377 du code pénal indien, criminalisant les rapports sexuels entre personnes du même sexe, Queen-Size répond à la froideur par l’intime. Avec un duo où se dessinent tendresse et complicité. Exploration dansée, Queen-Size invite à découvrir tout ce qui peut faire la chair d’une rencontre entre deux hommes.

Queen-Size de Mandeep Raikhy : la danse contre la loi, un duo d’amours masculines

Sur une composition sonore de Yasuhiro Morinaga, le format initial de Queen-Size est celui d’une performance inversant les rôles. Avec une pièce de quarante-cinq minutes, jouée en boucle pendant deux heures et demie. Les spectateurs peuvent ainsi entrer à des moments spécifiques, tandis qu’il leur est loisible de sortir n’importe quand. Libre à eux de se sentir voyeurs ou légitimes. À la base du dispositif : un article du cinéaste Nishit Saran, intitulé « Why My Bedroom Habits Are Your Business » [Pourquoi ce que je fais dans ma chambre vous concerne]. Soit un texte, paru dans le journal Indian Express en janvier 2000, dans lequel le réalisateur gay et activiste Nishit Saran défend un traitement public de la question. Aux personnes lui demandant pourquoi ce qu’il fait en privé devrait intéresser le public, il répond que c’est d’abord le code pénal qui fait de sa vie privée une affaire publique.

Entre intimité et affaire publique : une chorégraphie des transports amoureux

Dans le prolongement de cette prise de position, Queen-Size invite ainsi les publics à explorer l’extimité des deux danseurs. Sous un angle tour à tour charnel, mécanique, émotionnel. Avec deux performeurs tantôt alanguis dans une atmosphère peut-être étouffante de chaleur ou d’humidité… Tantôt blottis l’un contre l’autre comme deux naufragés sur un radeau… Ou bondissant dans un jeu de chasse où le charpoy devient trampoline. Avec sensualité et pudeur, le duo de Queen-Size révèle l’ampleur du crime qu’est la rencontre amoureuse entre deux adultes consentants. Mais au-delà des lois humaines au temps t, Queen-Size donne aussi à percevoir quelque chose de la singularité de l’amour. Avec son vocabulaire affectueux, ses alternances de repos et fièvre, ses frayeurs et retrouvailles ludiques. Pour une plongée dans la géographie de l’attachement, jonchée de rituels. Et à l’écart du fonctionnalisme reproductif, Queen-Size livre ainsi un portrait sensible et chorégraphique de l’amour.

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