DESIGN | CRITIQUE

Mais où va le design suédois ?

PMarine Drouin
@15 Juin 2009

Une question à la « Tout fout l’camp ma bonne dame ! » qui veut montrer comme la jeune création suédoise en renouvelle aujourd’hui l’image. Elle bouscule des codes ancrés dans les représentations dont l’archétype reste la maison du couple d’artistes Karin et Carl Larsson à Sundborn en Dalécarlie, elle-même révolutionnaire en son temps. 

Le projet d’interroger le devenir des modèles du design suédois est fondé sur l’idée que l’on se fait d’une identité Ikéa fondue dans notre paysage domestique. Pour autant, la sobriété des formes et la précision des moyens brillent ici par leur absence… Certes pour montrer que les jeunes designers se sont affranchis de l’obsession de fonctionnalité et de la préservation de traditions, mais un minimum de rigueur aurait aidé à la compréhension de cette exposition !

On saisit le désordre du nouveau terreau créatif, loin du langage sobre et mesuré de notre imaginaire. Mais on en regrette le résultat brouillon qui vous laisse face à une exposition en forme de discours à la présentation vieillotte, qui va jusqu’à ôter aux objets leur force disruptive.
Pourtant, les questions sont posées avec audace! Pour exemple, le parcours est divisé en deux territoires du bon et du mauvais goût… mais sur le même plan, dans l’espace, que l’histoire du petit cheval de Dalécarlie, les travaux d’élèves de Sundborn et du mobilier de créateurs chez Ikéa !

La première partie esquisse une réflexion intéressante sur les implications familiales du design suédois depuis le début du XXè siècle, chez les époux Larsson et dans les écrits d’Ellen Key. Les premiers vivaient dans leurs murs une forme patriarcale de contrôle du foyer, et la seconde plaidait pour un habitat simple et rustique capable d’apaiser les conflits.
Le seul écho actuel de cet impact du design sur le vivre ensemble reste le récit documenté tout juste attendrissant de l’engouement populaire de Sunbord à l’occasion de cette exposition au village (habillage collectif du pont comme un tapis de lirette géant), ou de la réappropriation par ses enfants d’un mythe local à travers la confection de « monstres-moches ».

Car l’exposition veut laisser place à des créations se situant dans la rupture. Première victime : le petit cheval de Dalécarlie. Chargé de folklore (jouet en bois peint honorant les fonctions de cet animal fidèle: tirer des charges de bois, transporter des cargaisons au marché, conduire toute la famille à l’église), ce motif est aujourd’hui malmené à la faveur d’autres comportements, d’autres métissages : il est avachi sous la forme d’un pouf aux broderies décadentes (A Swedish Love Affair, Linus Kjellqvist, 2007), devient un vulgaire cheval d’arçon recouvert de fleurs en plastique (Flower Power, Sandin et Bulöw, 2002), ou se change en figurines exotiques de chameaux ou de kangourous (Chevaux de Rinkeby, Sandin et Bulöw, 1992).

Une deuxième partie est consacrée au bon goût alors que la précédente prenait à bras le corps le ringard (Vanitas Disco de Ludwig Löfgren, 2007, un crâne en verre rose irisé, ou Calleskallen de Kaj Zackrisson et Sverre Lilieqvist, 2007, un casque de moto kitsch customisé façon jungle urbaine).
Ici, la provocation est moins criarde. On part d’un aspect formel mat, artisanal et minimal, pour créer des objets bizarres ou retrouvant le corps. Front Design campe deux lampadaires qui sont les répliques stylisées d’un cheval et d’un cochon au couvre-chef en abat-jour (2005) et les bols en céramique de Maria Hartikainen, Clonages, s’entrelacent dans une hybridation cellulaire. Quant au corps pensant et désirant, il compose avec My Brain d’Alexander Lervik (2007), une lampe affublée du moulage de son cerveau, épanchement organique d’une forme pure, et le collier en argent Libido de Jenny Edlund, 2007, accompagné d’une vidéo où elle manipule en boucle ce bijou articulé dans un mouvement charnel.

Après quelques exemples timidement dévoilés d’une création actuelle désireuse de titiller les critères d’un design suédois figé dans un tissu de codes hérités d’il y a plus d’un siècle, vous n’avez pas pour autant d’aperçu significatif des nouveaux. Reste à sourire du sondage réalisé auprès du public: on y lit avec délectation que le mauvais goût, c’est Johnny Hallyday, les slips kangourous, les épinards ou tout simplement le contraire du bon goût (un peu de bon sens s’il vous plaît !).

Front design
— Hästlampa, 2005.

Alexander Lervik
— My Brain, 2007. Lampe.

Äsa Jungnelius
— Make it All up, 2006.

Front design
— Svarva. Lampe.

Ylva Franzen
— Patriots, 2007.

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